• Demain, c'est le grand Jour!

    Personnellement, mon vote est déjà arrêté depuis suffisamment longtemps pour ne pas être susceptible de changement dans les dernières heures qui précèderont le choix de notre avenir pour les 5 années à venir au minimum. Mais je compends les indécis, les scruteurs de la dernière heure, les hésitants, récalcitrans, douteux, suspicieux, réfléchis, pessimistes, fatalistes qui doutent, hésitent, penchent, encore. Il faut dire que cette campagne aura été longue et éreintante, tant pour les candidats que pour les désireux de suivre avec pugnacité et volontarisme les moindres mouvements de nos "futurables" présidentiels.

    Mais l'indécision n'est pas mère de l'abstention, contrairement à l'indifférence. L'indécision est la marque d'un activisme certain à l'égard des idées, programmes et personnalités des uns et des autres, elle est un appel à l'adhésion, elle est un appel à la capacité de conviction des candidats. Le vrai choc de 2002, à cetitre, ne provenait pas tant de la situation de Jena Marie le Pen au second tour de l'élection présidentielle (après tout en nombre de voix, il est resté au même niveau qu'aux élections précédentes, soit environ 4 millions d'électeurs) que du désintérêt et du désinvestissement majeurs de la campagne présidentielle de la part des citoyens. mais cette déshérence ne doit pas etre simplement analysée comme un insouciance au vivre-ensemble au profit d'une égotisation de l'individu-citoyen centré sur lui-même et éloignée des sphères de décisions démocratiques comme le pressentait déjà A. de Tocqueville il y a 150 lorsqu'il relevait les effets pervers potentiels de la démocratie tout en la défendant âprement. ce désintérêt des citoyens est aussi (avant tout) à comprendre ex post, comme conséquence d'un contexte historico-politique particulier.

    Essoufflement des élites gérontocratiques, insuffisance de visions claires et antagonistes, effondrement du Mur de Berlin et des antagonismes sociaux/libéraux, cohabitation française qui a jeté l'ambiguité sur les positionnements idéologiques des uns et des autres, suffisance des dirigeants dans leur insistance autiste à se croire au second tour, attention malhonnête des journalistes sur les "brèves" de campagne et les petites phrases au détriment des idées et des discours, sont les éléments contextuels qui ont contribué à faire émerger le spectre tant redouté de la présence de Le Pen au second tour.  

    L'histoire est condamnée à se répéter pour ceux qui ne la connaissent pas dit-on. Peu de chances qu'une telle situation se reproduise aujourd'hui (demain!) tant la diabolisation de 2002 marque cette campagne à coup de "vote utile" et de rejet de l'extrémisme. Mais encore une fois, il est facile de chercher les réponses à ses propres errements dans la cour du voisin. La non-présence de Jospin au second tour de 2002 doit davantage à une campagne molle, pragmatique, froide et aseptisée qu' à la multiplication et l'éparpillement des voix de gauche sur les candidats de l'ultra-gauche. Effets plus que cause de l'échec opinien, le reportdes voix à gauche de la gauche ne doit pas faire culpabiliser les victimes. Pour ne prendre que mon cas personnel, mais je pourrais en rapporter des dizaines d'autres, ce n'est pas par conviction que j'ai voté Mamère au premier tour en 2002, mais par rejet de la vision jospinienne.

    Dire que la multiplication des petits candidats de la gauche antilibérale a conduit à l'éviction de Jospin est un scandale éhontée. Si cela était le cas, ces votes d'ultra-gauches auraient été des votes d'adhésion aux idées portées par ces candidats et à leur vision de la France. Or, ils étaient avant tout (pour la plupart) ds votes de rejet, de mise en garde à l'attention du candidat socialiste. Stratégies citoyennes qui auraient du conduire Jospin a rectifié le tir, tout au moins à écouter cette "vox populi" plutôt que de ne faire que l'entendre.Si Jospin a perdu c'est parce qu'il n'a pas réussir à séduire une partie de l'électorat, tant au niveau des idées que de la personnalité. S'il a échoué, il est en le responsable, lui et ses camarades du Parti Socialiste. Les premières victimes en ont été les citoyens de gauche, n'en faisons pas des coupables. Le citoyen ne vote pas "contre" par plaisir, par goût de la contradiction. Il vote "contre" s'il ne peut pas voter "pour". Aux représentants politiques detrouver des moyens de fare adhérer les citoyens à leurs projets et à leur personnalité!

    C'est ce que cette élection semble faire mieux que jamais. Les trois candidats (quatre) en tête des sondages le savent très bien, qui jouent de leur image avec un plaisir et une maîtrise certains. A n'en pas douter, l'abstention sera "faible" cette fois-ci. je prends le risque de la prédire autour de 18%, soit un taux de participation de l'ordre de plus de 80%, chose rare depuis l'élection du président de la Républiqueau suffrage universel.

    Gageons que les indécis se décident, que les hésitants se rassurent, que les pessimistes s'optimisent, que tous autant que nous sommes projetions nos désirs et nos convictions de manière à faire émerger une véritable révolution silencieuse et démocratique ce 22 avril 2007. Personnellement, je disais, mon vote est arrêté.

    Que tous se dressent sur la ligne de départ, la course va être lancée. A vos bulletins, prêts, votez!


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  • Dans deux jours maintenant les présidentielles. Impossible de l'oublier, ou de passer à côté, tant la blogosphère, la médiasphère et tout autre « trucosphère » nous assaille de sujet, de débats, de discours, de petites phrases, de rumeurs, de vidéos, de réflexion, autour de nos candidats et de leurs campagnes respectives. Oh! Je ne m'en offusque pas, je suis le premier à suivre toute nouvelle information, à la recherche du moindre scoop disponible en temps réel sur la toile! Simplement, force est de constater que grâce (ou à cause?) de l'imminence de l'élection peu de bruit a été fait autour du procès de P. Bodein, de la mort de la jeune nantaise, du meurtre de la jeune fille par un chauffard ivre dans le Nord ou encore du procès des deux criminels incendiaires de Nohrane. Ces événements tragiques sont passés sous silence, ou pour le moins sont restés relativement secondaires, tant la campagne métastasait l'ensemble de la sphère médiatico-politique. Pas davantage de place pour le forcené de Virginia Tech, ce jeune sud coréen psychotique. Si! Tout juste en a t-on parler plus de deux jours car il avait eu la brillante idée de se filmer auparavant et de déposer la cassette de ses délires parono-schizophréno-déjantés dans un paquet direction NBC. Il avait tout prévu le bougre! Une vidéo, et quelques heures après une renommée internationale à coup de "youtube" et de "dailymotion". Sans doute était-il informé de la campagne présidentielle qui agitait le microcosme français. Quelques lignes sur son acte rien de plus, s'il n'y avait eu cette effarante vidéo, montrant un jeune homme agité, aux propos décousus, par moments christiques, par d'autres ultra-violents, ou encore à relents lénino-marxistes. Cette vidéo lui a permis d'exister un peu plus longtemps, quelques heures, voire quelques jours. Mais quelle existence! Une existence planétaire, universelle, mondialisée! Et les autres, ceux qu'il a tués? Rien! Niet! Wallouh! Pas un mot. Juste le récit de sa folle journée, les images en boucle de sa haine au monde. Les morts eux ne parlent pas nous dit-on. Certes, mais lui pourtant, n'a jamais été aussi vivant que maintenant. Jeune garçon réservé, enfermé, anti-social, isolé, aux propos et aux idées étranges, l'archétype même du timide compulsif, incapable de se lier aux autres, de s'ouvrir au monde. Tout portait à faire de lui un homme quelconque, dont personne n'aurait jamais entendu parler. Mais non! Il en a décidé autrement. Refusant le monde, se refusant lui-même tel qu'il était il a décidé de plier le monde à ses exigences, de s'asseoir sur la loi, sur la raison et sur l'idéal même de la vie en société. Il est sorti de chez lui et a semé la mort avant de se la donner, comme s'il savait qu'en récusant le monde, il sonnait son propre arrêt de mort. Oui mais voilà. Il a réussi son pari! L'espace d'une heure, d'un jour, il a mis le monde à ses bottes. Tout le monde connaît maintenant son visage. Le monde entier écrit sur lui, sur sa biographie, ses idées, son quotidien. Il va même avoir des supporters, des fans, sans doute un comité d'aficionados aussi timbrés que lui. Il a tué, l'image a fait le reste. L'ultra-violence comme gage de célébrité, l'image comme moyen et comme fin en soi. Passer à la télé!

    La campagne présidentielle aurait pu l'absorber comme toute autre actualité sordide, mais l'image l'a sauvé de la noyade. Il est resté accroché à nos TV quelques heures, cela a suffi à sa gloire. La campagne a repris, ou plutôt elle se poursuit, impassible. Rien a changé, sauf 32 morts de plus, 32 morts de trop. Mais après tout, pourquoi s'en offusquer? Tout cela était peut-être déjà écrit? Tout cela était peut-être génétique!


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  • Derrière les hommes, il y a des programmes. Certes, mais dans un monde sursaturé d'images, c'est aussi (surtout ?) l'émotion qui fait l'élection. L'élection au suffrage universel du président de la République française en constitue même la quintessence. De Gaulle l'avait bien compris, lui qui en avait fait son arme privilégiée, Mitterrand sa force, Chirac son caractère. Elu par le peuple et pour le peuple, le Président doit incarner la Nation au sens étymologique du terme. Il doit faire France, devenir France, en être sa « chair ». Sa légitimité et sa domination ne proviennent que de sa capacité à fédérer, à emporter l'adhésion populaire autour de sa personne bien avant son programme. Certes, les idées restent essentielles, mais elles ne suffisent pas. Un électeur ancré traditionnellement à gauche éprouvera quelques difficultés à porter sa voix sur un représentant de droite et inversement. Les traditions et les dogmes sont puissants, mais les frontières sont poreuses. Les socles idéologiques se délitent au profit de querelles partisanes, le socialisme se centralise, tandis que le libéralisme se régule. Elire un programme, c'est élire une vision, un projet, une ligne directrice. Elire un homme – ou une femme, c'est élire un charisme, une incarnation, une émotion de la France. Il y a derrière le personnage une certaine idée de la France, mais c'est l'homme qui prime. Or, si les dogmes sont solides et peu perméables, les sentiments sont fragiles et versatiles. Rien n'indique mieux ce bouleversement électoral que la versatilité de l'affect. Max Weber l'avait bien remarqué il y a un siècle lorsqu'il affirmait qu'un pouvoir disposait de trois façons pour se voir reconnu. Soit par le respect de la tradition qui fait qu'un fils obéira à son père par exemple, soit par la raison et l'universalité de la loi, qui fait qu'un citoyen obéira à la justice car celle-ci est censée s'imposer rationnellement et s'appliquer identiquement à tous, soit par le charisme. C'est de ce dernier point que j'aimerais traiter ici.

    En effet, pour qu'un individu exerce son pouvoir et son autorité sur d'autres individus, c'est avant tout parce que lesdits individus lui octroient une légitimité à se faire obéir. Tant que j'accepte l'autorité d'un homme, celle-ci sera légitime. C'est bien l'homme obéissant qui fait l'homme obéi, et non le contraire (au moins dans les démocraties). Or, pour Weber, l'acceptation de l'autorité d'un homme (ou d'une femme), peut reposer à elle seule sur son charisme, autrement dit sur l'émotion qu'il laisse transparaître auprès du peuple. Affection, amour, haine, défection, engouement, ostracisme, sont les piliers de la domination charismatique : soit on est pour lui, soit on est contre lui. Le pouvoir charismatique n'accepte pas la demi-mesure, il est entier, manichéen et a des tendances autocratiques.

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    L'élection présidentielle en France, à ce titre est particulière. Elle requiert une grande dose de charismatique, et une pincée de programmatique. Les candidats le savent et en jouent à profusion. Ils en abusent d'autant plus que le politique est de plus en plus condamné à l'assujettissement à l'économique. Désormais ce n'est plus à l'Etat-nation de faire valoir ses exigences à l'entreprise pour l'implantation sur son sol, c'est à la firme multinationale d'exiger de l'Etat que celui-ci lui fournisse des garanties maximales à son installation sur le territoire. Les dés ont changé de main, les joueurs de stratégies. L'Etat, pour continuer à asseoir son pouvoir, va investir ses fonctions régaliennes : justice, police et défense vont battre le haut du pavé. L'insécurité devient un thème essentiel de campagne, l'immigration et l'autorité la suivent de près, alors que le chômage reste la préoccupation première des français. L'économique en est réduit à sa part congrue et essentiellement providentielle : on espère la croissance comme on attend le Messie. On attend d'elle qu'elle permette la relance de l'activité économique, le retour au plein-emploi, la diminution des inégalités sociales, etc. Appel providentiel, quasi prophétique. Nous sommes passés en l'espace de 50 ans de l'Etat-Providence fondé sur la redistribution et le partage des richesses, la solidarité et l'assurance sociale, au « Providentiel-Etat » condamnés à espérer des lendemains heureux, cherchant dans le patriotisme d'Etat, les renforcements douaniers, le protectionnisme économique et social, l'anathème des délocalisations, la revalorisation de l'identité nationale, les moyens de son retour triomphal. L'hypothèse mercantiliste abandonnée au XVIIIème siècle connaît ainsi un regain d'intérêt. A l'ouverture internationale mondialisée inévitable, l'Etat se veut colbertiste, fort et visible. Pour continuer à rester légitime, il n'a d'autres choix que de s'investir dans ses domaines de compétences monopolistiques ou il est seul maître à bord : la sécurité nationale, le contrôle de ses frontières, le respect de l'autorité. L'illusion de son pouvoir persiste, quand son pouvoir réel se délite. Non pas que l'Etat soit mort ni qu'il disparaisse, mais force est de constater que ses sphères d'actions efficaces sont restreintes.  Ainsi celui amené à représenter l'Etat et à incarner la Nation est une sorte de Don Quichotte va t-en guerre condamné à se battre contre des moulins à vents, à faire du bruit pour être entendu, à défaut d'être écouté.

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    Or, il est des candidats plus à même que d'autres d'incarner ce réactivisme régalien. Si le politique ne peut pas tout, alors le politique n'est pas responsable. Il faut chercher ailleurs les coupables. Argumentaire imparable à la rhétorique grossière mais qui permet d'éluder la question. Dès lors que l'Etat perd la partie, plutôt que de livrer un baroude d'honneur, de faire l'effort de se relever, on modifie les règles du jeu en cours de partie. De peur de perdre la face, on oriente le regard ailleurs. Tour de prestidigitateur expérimenté, mais qui n'illusionne que ceux qui veulent bien se laisser illusionner.

    S'il existe des inégalités sociales et économiques, une recrudescence de la criminalité, un penchant sordide au suicide, ce n'est pas à la société qu'il faut s'en prendre. Celle-ci n'y est pour rien. Le seul coupable dans l'histoire, c'est le biologique ! Le suicide ? Une « fragilité » de naissance ; les orientations sexuelles ? Une innéité préalable ; les conduites déviantes et délinquantes ? Une prédisposition génétique.  Dans ce cas, à quoi bon battre le pavé, entonner des slogans revendicateurs et égalitaristes puisque au bout du compte la société et l'Etat n'y peuvent rien !

    Discours effarant, « glaçant » qui réactive des thèses qu'on pensait dépassées. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ce petit jeu là n'a qu'une finalité. Détourner le regard des responsabilités collectives et étatiques, éluder la question de l'économique sur laquelle le politique s'ébroue en vain, afin de mieux asseoir un discours régalien. On pourrait noircir un peu plus le tableau, en poursuivant le raisonnement à l'extrême. Les assistés sont biologiquement tournés vers l'oisiveté, les pauvres vers l'indigence, et il n'est donc pas nécessaire – il serait même moralement incorrect – de leur venir en aide, sinon pour les condamner un peu plus à l'assistanat, pour les enfermer un peu plus dans leur déterminisme.  L'assistance aux pauvres n'en viendrait plus seulement à créer les pauvres qu'elle assiste, selon le mot célèbre de Malthus, mais elle contribuerait à valoriser leur indigence. Exit les travailleurs sociaux, exit les éducateurs spécialisés, exit les psychologues et autres spécialistes des comportements humains. Tout est génétique. Gloire aux gènes !

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    Pour finir, je voudrais souligner un dernier point. Il est à mes yeux deux choses essentielles qui contribuent à l'élection d'un président : son charisme et sa capacité à incarner son pays par la vision qu'il en a. depuis, l'image s'est glissée au cœur de cette res publica, catalysant et accentuant le côté charismatique. Glossé d'images, auréolé d'affect, fardé de lumière et de certitudes, le leader avance masqué plus que jamais. La sursaturation d'images a détruit le fond. Seule la forme compte, les mots plus que les idées, les sourires plus que les programmes. Le politique s'en sert et en joue à foison. L'image au service du politique : alliance opportuniste et contre-nature où le moyen devient une fin en soi. Idéal de transparence, où tout doit se voir, s'entendre et se savoir. Sacre de l'Image omnipotente et omnisciente, entreprise publique de sécurisation totale au service du pouvoir politique, où le maître à bord est celui qui, d'en haut, contrôle les images, enfermé dans sa tour d'ivoire.

    A ce petit jeu là, un candidat semble se démarquer grandement des autres. Réactivisme sécuritaire, valorisation de sa propre personne, contrôle des faiseurs d'images, déresponsabilisation de l'Etat et libéralisation des échanges. Prestidigitateur éclairé, il rayonne dans la lumière, mais il agit dans l'ombre. En même temps, Bonaparte est considéré en France comme l'un des plus grands personnages de l'Histoire. Agissons en citoyen responsable en allant voter prochainement. Mais qu'on ne vienne pas dire qu'on ne savait pas.

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    Dans son ouvrage La philosophie de l'argent, Georg Simmel conceptualise son approche d'une sociologie formelle par la truchement de l'argent. Cela signifie que pour appréhender une réalité insaisissable, parce que irrémédiablement trop complexe, résultante d'une infinité d'actions individuelles, le sociologue va devoir s'appuyer sur des modèles, sur des constructions mentales (Kant) de compréhension du social. La réalité, pour être accessible, doit être simplifiée au travers de modèles particuliers. Et ces modèles représentent ce que Simmel appelle des « formes » à l'image de l' « idéal-type » de Weber, d'où la notion de sociologie formelle.

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    Cette approche théorique du social condamne les approches déterministes, visant à dégager des lois sociologiques universelles comme celles de Durkheim par exemple. Le but de cette approche consiste à rendre compréhensible une situation sociale, mais pas la totalité du social comme veulent le faire les lois sociologiques universelles. Pour Simmel, il est impossible de dégager des régularités sociales macroscopiques universelles du fait de la complexité du réel, de son état plus ou moins aléatoire et instable qui est le fait d'un fourmillement incessant d'actions individuelles. Comme tout part des individus, et comme l'action possible des individus est quasi-infinie, il est donc impossible d'en dégager des lois générales valables pour toutes les situations sociales.

    Non seulement il est inutile d'essayer de dégager des lois universelles, de s'orienter dans une approche déterministe du social, mais cela est même impossible, au risque de se tromper et d'avoir une approche erronée.

    C'est dans cette démarche intellectuelle et théorique qu'il faut comprendre et analyser sa philosophie de l'argent.

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    Dans cet ouvrage, Simmel se penche sur la question du lien social et de sa transformation dans le cadre de l'analyse de la donnée monétaire. Cette transformation du lien social va être éclairée par le rôle de la monnaie dans les échanges humains, monnaie qui va se retrouver au centre de l'articulation entre l'individuel et le collectif. La monnaie va être comprise comme une forme d'interaction sociale particulière, révélatrice de nos sociétés modernes individualistes.

    Il faut considérer l'argent comme une forme sociale. C'est-à-dire comme le produit des actions réciproques, partant des individus, mais qui va aller en s'émancipant jusqu'à acquérir sa propre autonomie, séparée des contenus individuels et sociaux qui l'ont conditionnés. A la fois forme liante qui permet l'échange, la réciprocité, à la fois forme séparante qui renferme l'individu sur lui-même.

    Et aussi forme sociale dans le sens où l'argent va être considéré comme un modèle – une forme – privilégiée de compréhension et d'analyse du social.

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    L'argent, comme toutes les formes sociales, a pris son autonomie par rapport aux individus et a développé ses propres lois et son propre domaine : l'économie. C'est à partir du XVIème siècle qu'en effet la monnaie s'affranchit progressivement de la tutelle des autorités politiques pour devenir l'affaire des banques qui la créent et des commerçants ou/et des industriels qui l'utilisent. Devenue une fin en soi, la monnaie exerce une influence grandissante sur les contenus de la société, et notamment les façons de penser, de voir et de considérer le monde. Le calcul rationnel, le chiffrage, le prix des choses, la rationalisation du monde, son morcellement sont quelques unes des conséquences de ce changement. L'individu prend l'habitude de tout mesurer et il s'efforce de tout calculer, coûts et profits, c'est-à-dire à rechercher l'objectivité.

    Crée au départ par les individus pour satisfaire leur besoin de sociabilité (la notion d'échange est la base même du lien social nous dit Lévi-Strauss), concourrant aux interactions, l'argent s'est petit à petit émancipé de ses créateurs pour s'autonomiser et s'institutionnaliser dans des organisations particulières, et au bout du compte, il a radicalement transformé les individus et leur relations. L'économie exerce une influence considérable sur le comportement des individus (mais à la différence de Marx pour qui l'économie est l'infrastructure qui fonde les comportements sociaux, Simmel dit que l'économie résulte de la psychologie individuelle, des actions réciproques).

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    L'argent est un révélateur de la situation sociologique de nos sociétés modernes et des individus qui les composent. Crée par les individus, il s'émancipe d'eux et en retour influent sur leur comportement, opère à l'objectivité, la rationalité, la quantification, l'intérêt individuel, etc.

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    De plus, au travers de l'argent, Simmel établit la relation entre échange monétaire et atomisation de la société dont l'individualisme est l'exemple phare. Mais parallèlement, il nous dit que l'argent accentue les interdépendances entre individus. On retrouve ici le pivot central de sa conception ontologique, où l'individu est à la fois force liante et déchirante, lié au monde et séparé du monde, individuel et collectif.

    Effectivement, l'argent est à la fois « force centrifuge » qui pousse les individus à se dissocier des autres et à se valoriser au travers de leur capital économique, et « force centripète », qui les pousse à se lier, à se rapprocher les uns des autres pour échanger.

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    La monnaie est devenue le moyen d'échange incontournable et l'instrument de prédilection de nos sociétés modernes. L'argent est le moyen le plus rationnel, le plus efficace car le moins coûteux par sa capacité à se convertir en marchandise (c'est-à-dire en bien). L'argent devient une fin en soi, non plus un moyen de paiement, d'échange. Car si les marchandises permettent aux individus de se rapprocher (logique de l'échange, interactions), la monnaie proprement dite les sépare (contentement narcissique). On se rapproche pour échanger un bien, pour l'acheter, on se sépare quand la monnaie a changé de mains.

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    Ainsi l'argent de par le développement des échanges monétaires a eu pour conséquence de renforcer l'autonomisation des individus par rapport à la société. L'individu dépend davantage de son argent que de la société. La société n'est là que pour l'assister ou l'accompagner s'il n'en a plus assez, ou pour lui en réclamer s'il en gagne suffisamment. L'argent travaille à l'autonomie de chacun. Car si auparavant, l'individu se confondait avec les fonctions que lui assignait la société (sociétés traditionnelles), il est aujourd'hui beaucoup moins dépendant d'elle et il les accepte d'autant mieux qu'il est plus libre de ses choix.

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    L'argent est donc pour Simmel un modèle d'analyse des transformations sociales, et plus particulièrement des transformations du lien social. Chez Durkheim, c'est la division du travail par exemple. Ce qui est important, c'est de voir que l'argent est considéré comme une forme sociale, c'est-à-dire une relation particulière d'individus à individus, qui permet de comprendre, de manière générale et non universelle et définie, la transformation du lien social dans nos sociétés. Et encore une fois, c'est au départ de l'individu que tout se situe.

    De plus, l'argent s'avère être en tant que forme sociale d'interactions, donc produit de l'action humaine, à la fois liant (l'échange, l'interdépendance) et déchirant (la thésaurisation, l'être par l'avoir, l'individualisme). En outre, il se trouve être réifié, autonomisé de son créateur. On retrouve bien toutes les caractéristiques des formes de socialisation – de la société – conceptualisés par Georg Simmel.

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  • D'un racisme à l'autre
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    Les médias, relais de l'opinion politique (populiste ?) de ce pays, nous laissent penser que l'immigration serait un frein pour l'emploi. Plus exactement, ils se font l'écho de discours et d'idées politiciennes selon lesquels la France ne serait plus en mesure d'accueillir des migrants en nombre important à cause de son taux de chômage relativement élevé, ce qui l'empêcherait de fournir un emploi et des revenus suffisants à ces populations. Qu'à défaut de travail, ils seraient pris en charge par l'assistance publique et la protection sociale, sans contrepartie positive pour l'Etat, et a fortiori pour la collectivité.


    Ce discours n'est pas nouveau. Relayé par le Front national depuis sa création, il semble néanmoins gagner du terrain sur l'ensemble de l'échiquier politique, de droite comme de gauche, ce qui est plus inquiétant. Car derrière ce discours de façade, c'est à une nouvelle forme de racisme latent qu'on assiste : aux thèses biologistes et évolutionnistes aujourd'hui dépassées, se substituerait un racisme nouveau. A l'image des délinquants, ces jeunes des quartiers « issus de l'immigration » (mais quid de la délinquance en cols blancs ?), l'immigré concentrerait à lui seul l'ensemble des maux dont souffrent nos sociétés : perte de l'autorité, insécurité, pauvreté, exclusion, mal-logement, délinquance. Bouc- émissaire idéal (parce que « autre »), il constituerait le bourreau de nos difficultés présentes. Je sais la thèse appartenir au Front national ( mais qu'attendre d'autre d'un parti d'extrême droite, il est là dans sa logique électorale et idéologique), mais l'inquiétude se propage quand elle est reprise par des partis démocratiques au pouvoir.


    Un racisme latent fait son apparition dans le champ social et politique, un racisme qui tente de faire de l'étranger un opportuniste en puissance, attiré par le seul appât du gain. Sorte de passager clandestin du navire Europe.


    D'ailleurs cette idée de « passager clandestin » a été développée par un auteur resté célèbre à ce sujet. Pour M. Olson, tout porte les individus à ne pas s'engager dans une mobilisation collective, s'ils savent que celle-ci leur apportera des bénéfices qu'ils y participent ou pas. Ils montrent comment une action collective peut ne pas aboutir pour cette raison. En effet, si une mobilisation syndicale se déclare dans une entreprise pour une revalorisation des salaires, cette revalorisation vise à toucher l'ensemble des salariés. Pourquoi alors aller risquer de faire grève et donc de perdre une partie de son salaire, si on sait que les autres en faisant grève vont me permettre d'obtenir un meilleur salaire ? En fait, tout se passe comme si l'individu faisait un calcul rationnel visant à maximiser son profit (augmentation du salaire) en minimisant son coût (grève). Appliqué à un individu, cette situation n'est pas préjudiciable au mouvement de mobilisation. Mais appliqué à un grand nombre d'individu, l'agrégation des conduites individuelles risque de faire en sorte que la mobilisation collective n'ait pas lieu, ou alors soit de faible ampleur, insuffisante pour faire accepter leurs revendications salariales[1]. Cette situation particulière que Mancur Olson a mis en lumière dans les cas d'action collective, il lui donne le nom de « passager clandestin ». En effet, celui-ci tire les profits de l'action sans en avoir à payer le coût, un peu comme le passager d'un train qui n'aurait pas payer son billet (qui prend le risque de se faire prendre, certes et donc de perdre l'avantage de sa situation, ce qui n'est pas le cas au niveau des mobilisations collectives) mais qui tire profit du transport pour se rendre à destination.


    Ainsi, de la même manière que l'individu peut agir comme un « passager clandestin » dans le cadre d'action collective, l'étranger se conduirait toujours ainsi. Il chercherait à maximiser ses profits sans avoir à payer le moindre coût ? Cette vision réductrice de l'immigré comme homo oeconomicus (rationnel et opportuniste) est dangereuse : elle laisserait penser que l'immigré n'est qu'un « passager clandestin » qui vient tirer profit des richesses du Nord sans contrepartie. En outre, la sémantique accolée à cette théorie assigne encore un peu plus la rhétorique à la figure de l'étranger. L'image du clandestin renvoie presque toujours dans nos imaginaires occidentaux à la figure de l'autre, à celle de l'étranger. Ce sont les coupables qui se cachent et qui se murent, jamais les innocents. A ce titre, ne dit-on pas qu'un innocent n'a aucune raison de s'enfuir, à moins qu'il ait de bonnes raisons de le faire ? Et quelles sont ces bonnes raisons, sinon celles qui consistent à avoir quelque chose à cacher, donc d'être en partie coupable ? Un innocent qui se cache devient donc un coupable.  De la même manière, un clandestin est toujours plus ou moins considéré d'un œil suspect.

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    Un clandestin dans l'inconscient collectif, c'est donc à la fois un opportuniste et un coupable. Opportuniste dans le sens où il vient profiter d'un système qui le protège, qui lui confère des droits, une protection et une garantie sociales. Et un coupable dans le sens où il vient appauvrir la Nation, « voler » le travail des autochtones, où il vit caché. D'ailleurs encore une fois, la sémantique trahit la bonne conscience de façade. L'immigré vient « voler » le travail des français entend-on. Immédiatement, il est étiqueté « délinquant ». Non content d'être clandestin, coupable et calculateur, le voilà en plus de cela un délinquant en puissance, à l'image de ce que le regard de l'opinion se fait des quartiers, où les délinquants, les « racailles » sont tous des « noirs et des arabes [2]».


    Quel est son délit à cet immigré ?  Son larcin, c'est d'avoir piqué le boulot d'un autre. Encore faudrait-il que la chose soit avérée. Que ces propos soient vérifiés et légitimés. Or, l réalité est loin d'être aussi « simple », comme si le travail se partageait. A ce sujet, les économistes sont tous d'accord pour dire que l'immigration ne fait pas augmenter le chômage. Le travail n'est pas un stock fixe d'emplois. Lorsque la main d'œuvre augmente, celle-ci est toujours absorbée par le tissu économique local. Par exemple, lorsque 900 000 algériens ont migré en France suite aux accords d'Evian en 1962, l'essentiel d'entre eux s'est concentré sur le sud de la France. Les prédictions catastrophistes quant aux conséquences de cette arrivée massive d'étrangers sur le niveau de l'emploi furent vite évacuées par la réalité empirique. Dans les faits, l'économie française absorba rapidement cet excès de main d'œuvre et sans préjudice majeur sur le niveau d'emplois et de salaires des métropolitains[3]. Une chercheuse canadienne a tenté de mesurer l'impact de cette nouvelle force de travail sur l'évolution du chômage entre 1962 et 1967 en France[4]. Son étude a permis de constater que les départements ayant accueilli le plus grand nombre d'immigrés avaient des taux de chômage très peu différents de ceux des autres. Pour 10 travailleurs rapatriés en 1962, elle constate qu'il y a 2 chômeurs de plus en 1967 parmi les résidents. Elle constate également que le niveau de salaire moyen est 1,3% plus faible en 1967 que ce qu'il aurait été sans l'arrivée de cette main d'œuvre en grand nombre. L'impact des rapatriés d'Algérie sur le niveau de l'emploi et des salaires des résidents a donc été très faibles, même s'il n'a pas été nuls. En outre, cette population supplémentaire a également permis à l'Etat de s'enrichir. Des emplois ont été créés, des revenus supplémentaires ont été distribués et la consommation s'en est trouvée accrue. Si l'effet a été très minime sur l'emploi et les salaires des résidents, il a en revanche permis à l'Etat de s'enrichir, et par conséquent d'enrichir la collectivité. En outre, cette vague d'immigration massive qu'a connu la France à cette époque est de loin supérieure à celle qu'elle connaît aujourd'hui, tant au niveau du nombre que de sa concentration sur une période courte.


    Les idées reçues qui font de l'immigré un « voleur » d'emplois sont entièrement fausses et totalement non fondées. L'économie ne dispose pas d'un stock fixe d'emplois mais au contraire d'une capacité d'absorption importante lorsque de nouvelles forces vives apparaissent sur le marché. Pour faire simple, augmenter le nombre de travailleurs ou à l'inverse le diminuer n'induit pas une perte ou un gain d'emplois. Certes, il y a un temps d'adaptation du capital, lié aux logiques de transformation dans l'organisation du travail, de restructuration, mais très vite, l'économie absorbe cette différence quantitative par une transformation qualitative (ou structurelle). Ainsi les 35h ont permis de transformer les organisations du travail dans certaines entreprises, elles ont permis de mieux utiliser la combinaison productive (lien entre facteur travail et facteur capital), bref elles ont permis de réallouer de manière plus efficace les facteurs de production en augmentant la productivité à la fois du capital, à la fois du travail (ce qui pour certains s'est avéré être une source de stress et de pression supplémentaire). Ce qui a sans doute contribuer à favoriser l'emploi, ce n'est pas la réduction du temps de travail en soi, mais les diminutions des charges sociales qui allaient avec, notamment sur les bas salaires. Ce qui explique aussi aujourd'hui que se pose la question du pouvoir d'achat. Effet pervers du système, la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires (afin de rendre leur travail à faible qualification plus productif, donc plus compétitif) aura eu pour conséquence de développer ce qu'on appelle une « trappe à bas salaires », afin de pouvoir bénéficier au maximum des réductions de cotisations sur le travail.

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    Par conséquent, penser que la réduction du temps de travail crée de l'emploi revient au même que l'idée qui consiste à penser - ou à laisser penser (ce qui est plus dangereux et pervers) -,  que les immigrés prennent le travail des français. Cela renvoie à une conception du marché du travail qui fixerait à l'avance les besoins, le nombre d'heures et de travailleurs nécessaires pour la création de richesse. Disons le tout net : cette conception est fausse. Et à ce titre, il est tout aussi déraisonnable de vouloir faire de l'immigration une « immigration choisie » en fonction des besoins de l'activité économique. Certes, on sait qu'il y a des secteurs de l'économie qui sont à la recherche de travailleurs et ce même avec un taux de chômage élevé (puisque environ 300 000 emplois sont à pourvoir en France en permanence), qu'il y en a d'autres qui sont en expansion, mais rien ne permet de dénombrer le stock d'emplois nécessaires. Un dernier chiffre permettra de bien mesurer l'ampleur de la difficulté à définir la chose : chaque jour en France, il disparaît environ 10 000 emplois ! Mais chaque jour en France, il se crée environ 10 000 emplois. Ce processus avait été mis à jour dès les années 30 par un économiste hétérodoxe, Joseph Aloïs Schumpeter[5], auquel il a donné le nom de « processus de destruction créatrice ». Or, ces destructions créatrices ne sont pas identifiables par avance, elles sont le fruit de l'évolution économique, des modifications de la demande, de la production, de l'investissement, des innovations des entreprises. A moins d'une économie planifiée, il est impossible de définir à l'avance les besoins en quantité de travail, de main d'œuvre et de consommation de la population sur chaque secteur de l'activité économique.

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    Pour terminer, on peut donc dire que les immigrés ne volent pas davantage l'emploi des autochtones qu'ils ne sont des passagers clandestins. Ils paient parfois (souvent) très chers le prix de leur liberté. Migrer vers le Nord, venir en Europe, s'installer en France n'est pas un jeu à somme exclusivement positive pour eux : c'est une nécessité pour certains, nécessité de survie (réfugiés), nécessité de subsistance, nécessité du Nord également qu'on a trop tendance à occulter (volontairement ?) pour occuper les emplois difficiles, à faibles salaires et à forte pénibilité. Mais c'est aussi une douleur : douleur de quitter les siens, douleur des passeurs, douleurs de l'accueil, douleurs de l'attente de l'obtention de statut, etc. Certes, comme l'a dit M. Rocard il y a quelques années, « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » et je ne me galvauderais pas d'une vision optimiste et naïve.


    Mais toujours est-il que le discours ambiant qui règne depuis quelques années dans le paysage médiatique, politique et social me paraît dangereux. C'est un discours qui joue sur les peurs. Un discours passionnel, propre à réveiller un racisme latent. Certes, l' « autre », cette « inquiétante étrangeté », à la fois si proche et si lointain, n'est plus considéré comme un humain de seconde zone, biologiquement et cognitivement inférieur (sauf pour quelques dégénérés xénophobes et apeurés d'eux-mêmes). Au racisme évolutionniste se substitue pourtant une nouvelle forme de racisme tout autant dévastateur, sinon plus, parce qu'elle est latente. Au racisme biologique succède désormais un racisme social et économique qui se base sur les mêmes arguments que par le passé.  Simplement, l'argumentaire contemporain s'est vidé de la forme propre, pour la remplacer par la forme figurée, mais la substance dure résiste, le noyau inextinguible du racisme demeure toujours opérant. Peu de choses suffisent à le réveiller. D'ailleurs, un grand quotidien français ne titrait-il pas encore récemment à propos de l'OPA de Mittal Steel sur Arcelor : « Mittal : le prédateur indien ». On nous rétorquera qu'il n'y a là rien de mal. Mais la sémantique encore une fois n'est pas discutable : derrière l'étranger se superpose l'image d'un cannibalisme désormais édulcoré.

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    [1] R. Boudon, La logique du social, PUF, 1994.



    [2] Propos rapportés par Lilian Thuram au sujet des dires de M. Sarkozy lors de sa discussion au Ministère de l'Intérieur suite aux émeutes des banlieues de novembre 2005.



    [3] Cf P. Cahuc et A. Zylberberg, Le chômage, fatalité ou nécessité, Champs Flammarion, 2005.


    [4] J. Hunt, “The impact of the 1962 Repatriates from Algeria on the French Labor Market”, Industrial and Labour Relations Review, vol. 45, 1992, p. 556-572.


    [5] J. A. Schumpeter, Théorie de l'évolution économique, 1934.



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