• Pour les uns (holisme, structuralisme), elle s'assimile à une entité concrète, objective qui agit sur l'ensemble des individus qui la compose, sous forme de contraintes et d'obligations (normes, lois, etc.) qui vont orienter plus ou moins consciemment les actions individuelles. Selon cette conception, la société a une nature propre qui est supérieure à la simple somme des individus qui la compose.

    Pour les autres (interactionnisme, sociologie du sujet, individualisme), la société n'est qu'une construction théorique qui n'a pas d'existence réelle hors des individus qui la composent, la vivent et la ressentent. En fait de société, ils considèrent les parties qui composent cette société (individus) comme supérieures au tout (société) à l'inverse du courant précédent. Il n'y a pas de société à proprement parler, mais des formes de socialisation, des interactions interindividuelles qui par leur répétition et leur multiplication, donne l'illusion d'une entité détachée des parties qui la font.

    Pour résumer, soit il y a extériorité et supériorité de la société sur les individus (on pourrait presque aller jusqu'à parler de transcendance), soit il y a immanence des hommes au monde et primauté accordée aux relations sociales, donc aux individus sur la société. Dans ce cas, c'est l'individu et sa capacité d'action et de pensée sur le monde qui prime.

    Au travers de ces deux conceptions, ce sont deux paradigmes qui se confrontent : pour résumer très brièvement (au risque d'être un peu caricatural), l'un est plus "socialiste" (et déterministe) qui reconnaît l'influence de l'environnement extérieur sur les choix individuels ; le second d'obédience plus "libérale" (et individualiste) qui place l'individu et sa capacité d'autonomie et de choix avant l'environnement extérieur.

     


  • Duesenberry, de manière (un peu) ironique, définissait la différence entre la sociologie et l'économie comme suit : l'économie est la science qui enseigne comment les individus font des choix ; la sociologie est la science qui enseigne comment les individus n'ont aucun choix à faire. Sans doute un peu schématique, mais révélateur de la manière de penser et de faire la sociologie jusque dans les années 80.

    On pourrait brièvement présenter la sociologie comme une tentative sans doute utopique de compréhension de l'âme collective, au-delà des simples comportements pulsionnels de l'âme individuelle. Autrement dit, essayer de comprendre et d'expliquer comment agissent et s'organisent les hommes en société. La sociologie repose sur l'idée, qu'au-delà de l'inconscient individuel, il existe un inconscient collectif qui oriente et interfère sur les conduites individuelles. Etre sociologue, c'est en définitive reconnaître et faire sienne l'idée selon laquelle nous n'agissons jamais seuls, et nous ne sommes jamais vraiment libres. Un vrai sport de combat en perspective!

    Depuis quelques années maintenant, on s'accorde à dépasser cette approche holistique du social qui réduit l'individu à un simple réceptacle de conditionnements qui le dépassent. désormais, l'individu est un acteur social à part entière, un sujet capable de réflexivité : il peut déjouer les pièges de sa destinée sociale. ses actions individuelles ne sont plus déterminées par sa situation dans l'espace social (classe, statut, position, champ, capital, habitus), mais il dispose de ressources propres lui permettant d'envisager de multiples façons d'agir, sans pouvoir les réduire à sa position sociale. Son parcours individuel interfère davantage que sa situation de classe.

    Ainsi, si la sociologie était l'étude des actions non-logiques (V. Pareto), i.e. du non-choix, elle est de plus en plus l'étude du foisonnement des choix, dont l'économie ne serait qu'un type de choix (le plus dominant a priori) parmi d'autres. pour paraphraser Duesenberry, on pourrait alors dire que l'économie est la science qui enseigne comment les individus n'ont qu'un type de choix à faire ; la sociologie est la science qui enseigne comment les individus ont beaucoup de choix à faire.

     


  • La sociologie économique correspond à l'étude sous l'angle sociologique de l'activité économique. Plus précisément, la sociologie économique a pour but de remettre en question le postulat théorique de l'économie orthodoxe selon lequel le marché est un lieu totalement abstrait de la réalité sociale où des offreurs atomisés rencontreraient des vendeurs également atomisés, qui conséquemment, agissant pour leur intérêts personnels, agiraient pour le bien de la collectivité.

    d'une part, ce marché n'existe tout simplement pas : tout marché est le produit d'une construction sociale par les acteurs "jouant" sur ce marché ;

    d'autre part, les individus sont toujours insérés dans un tissu relationnel (réseau social) et n'agissent jamais isolément.

    Enfin, une action rationnelle n'est pas nécessairement une action qui sert les intérêts de la collectivité (asymétrie d'info, etc.)

    Méthodologiquement, la sociologie économique est une science positive, adoptant une démarche heuristique, basée sur l'empirisme, l'expérimentation. c'est à partir de la réalité observée qu'elle établit ses modèles théoriques. à l'inverse d'une économie formelle, qui procède par simplification outrancière (parfois nécessaire néanmoins) du réel, afin de faciliter une formalisation mathématique qui ne s'applique presque jamais au réel. l'une tente de décrire le réel économique ; l'autre crée un effet de réel.

    approche réticulaire des relations marchandes, construction sociale des marchés,  performativité de la pensée économique, dimension éminemment sociale et historique de la théorie de l'homo economicus, la sociologie économique investit le terrain de jeu des économistes, avec leurs propres armes : celle de la rationalité de l'acteur.