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Qui veut faire l'ange fait la bête ou le jeu menaçant des banques centrales (2)
La confiance est à l'économie ce que l'essence est au moteur. Elle est le carburant sans lequel l'économie s'effondrerait. Sans elle, pas d'échanges ; sans elle, les agents économiques resteraient prostrés, inertes, incapables d'agir, apeurés par le monde extérieur. Sans confiance, je ne me lancerai pas dans la création d'entreprise. Sans confiance, je n'investirai pas l'avenir. Sans confiance, je préfèrerais rester chez moi, isolé, passant mon temps à capitaliser, épargner, thésauriser dans l'espoir de jours meilleurs.
Et bien, pour les banques c'est pareil ! Si elles craignent l'avenir, elles ne prêteront pas, ou plus difficilement, alors même que les banques centrales auront assoupli l'accès aux crédits. Et le problème, c'est qu'en période de crise, elles « flippent grave » : elles ont tendance à penser que la consommation des ménages restera atone, conséquemment que les entreprises auront du mal à vendre, et donc à rembourser leurs emprunts auprès d'elles. Alors, elles ferment les vannes pour éviter que le crédit coule à flots. A l'inverse, en période de reprise économique, elles peuvent se montrer beaucoup plus conciliantes. Leur confiance dans l'avenir s'améliore et elles ouvrent le robinet du crédit, permettant aux ménages et entreprises de consommer et d'investir, contribuant alors à accélérer d'autant plus la reprise envisagée.
En réalité, l'économie fonctionne un peu comme ce que les sociologues appellent une prophétie auto-réalisatrice (selon l'expression consacrée par le sociologue américain R. Merton1). Croyant à une reprise, les banques reprennent confiance et facilitent l'accès aux crédits. Ainsi, la demande repart à la hausse et favorise le retour de la croissance, créant ainsi effectivement une situation d'expansion économique. Inversement, si les banques parient plutôt sur une récession, elles vont raréfier l'accès aux crédits, réduisant alors les capacités des entreprises à investir et des ménages à consommer, ce qui aura pour effet de contribuer à un ralentissement de l'activité économique, accentuant alors effectivement la récession envisagée. Ainsi, elles contribuent à créer les conditions de réalisation de leur propre croyance.
Comment faire alors pour éviter ce cercle vicieux qui entretient la peur et l'absence de reprise ?
C'est en fait très simple et malheureusement très compliqué à réaliser : il s'agit de redonner confiance aux agents économiques et institutions financières. Facile à dire... mais beaucoup plus difficile à faire en période de crise.
Et c'est justement à ce moment là que le rôle des institutions publiques prend tout son sens, notamment à travers les banques centrales. Si le marché n'est pas capable de se raisonner, de retrouver la confiance indispensable à son bon fonctionnement et à la prospérité économique, alors il est nécessaire que la puissance publique intervienne. La puissance publique peut être considérée comme une sorte de « garant de confiance », qui vient dire au marché : je suis là pour vous protéger, alors arrêtez de déconner et échangez !!! (d'ailleurs, en règle générale, la puissance publique est souvent convoquée dans le cas où le marché subit des dysfonctionnements, et se doit de vite « déguerpir » quand tout rentre dans l'ordre...)
C'est à peu près exactement ce qu'on dit et fait les banques centrales. Constatant que la baisse des taux d'intérêts ne suffisait pas pour relancer l'activité et redorer suffisamment la confiance, elles ont décider d'utiliser leur deuxième arme de « régulation massive » : l'injection de monnaie. Et là, elles n'y sont pas allées de main morte... En effet, depuis 2010, la FED et la BCE ont injecté plusieurs milliers de milliards de dollars et d'euros dans le circuit économique, afin de fluidifier le marché. En inondant le marché de liquidité, elles espéraient relancer l'activité économique.
Mais au fait, comment fait-on pour injecter de la monnaie ?
Historiquement, créer de la monnaie consistait à faire « tourner la planche à billet », car il s'agissait tout simplement de créer de nouveaux billets ex nihilo qu'on s'empressait de mettre en circulation sur le marché, afin d'augmenter la quantité de monnaie dans le circuit économique. Si aujourd'hui, on ne crée plus directement des billets avec l'informatisation des échanges monétaires, le principe reste le même.
L'hypothèse est alors la suivante : la quantité fait la richesse. Plus la quantité de monnaie est importante, plus la richesse globale s'accroît et donc avec elle la croissance. En effet, l'excédent de monnaie est entièrement utilisé, notamment par les institutions financières qui décident d'investir sur des actifs (valeurs des entreprises en achetant des actions), faisant ainsi gonfler les actifs de ces entreprises, leur permettant d'augmenter leur capital et donc leurs investissements. Les banques de leur côté, sont amenées à prêter plus facilement et ainsi permettre aux ménages de consommer et aux entreprises d'investir à leur tour. À terme, tout le monde profite de cet octroi supplémentaire de monnaie (consommation + investissement = hausse de la production et de l'emploi = hausse du pouvoir d'achat des ménages et des profits des entreprises = croissance économique).
La création monétaire a longtemps été l'arme privilégiée des nations européennes (surtout en période électorale), lorsqu'elles disposaient de la souveraineté sur la politique monétaire, avant la mise en place de l'euro et de l'indépendance de la BCE, seule capable aujourd'hui de créer de la monnaie.
Le problème, c'est qu'à trop augmenter la quantité de monnaie en circulation, on risque de créer de l'inflation. En effet, la quantité de monnaie supplémentaire va avoir tendance à peser sur le prix des produits. Cette hypothèse, dit théorie quantitative de la monnaie est communément admise par la plupart des économistes. La mesure vise donc à relancer l'activité économique avant tout, quitte, à terme, à créer de l'inflation, qu'il s'agira de réguler le moment venu.... mais on en est encore loin !
Si cette théorie peut être valable, elle ne se trouve vérifiée que si le niveau de production est déjà à son maximum. Dans ce cas là, injecter plus de monnaie conduit automatiquement à générer une augmentation des prix. Mais dans le cas où nous sommes, les sommes astronomiques injectées par les banques centrales n'ont absolument pas créer de tensions inflationnistes en Europe, ni aux Etats-Unis, car dans le même temps, les capacités de production des économies n'étaient pas du tout à leur maximum. Pire, l'injection massive de monnaie a surtout servi à gonfler les actifs et entretenir des bulles boursières qui menacent dorénavant d'exploser à tout moment ! (mais c'est ce que nous verrons dans notre prochain billet)
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