• Un "détail" qui dérange...

     

    Dans un discours récent, notre Premier Ministre, s'est lancé dans une diatribe enflammée contre les mouvements d'humeurs suscitées  par la controverse autour de l'amendement sur les tests Adn au sujet du regroupement familial. Selon ses propos, « cette loi dont les polémiques ont grossi jusqu'au ridicule  un détail en masquant l'essentiel : qu'elle rendait à la France le droit de choisir son immigration, qu'elle renforçait la qualité des contrôles, qu'elle instaurait une politique d'intégration véritable, fondée sur notre langue, fondée sur notre culture, fondée sur notre histoire, fondée sur le respect d'une identité nationale dont nous n'avons pas à rougir. »


    Un certain détail choque dans cette phrase. C'est justement ce terme de « détail » employé par le Premier Ministre.  « Détail » du projet de loi. Ce détail  résonne étrangement et de manière nauséabonde avec un autre désormais célèbre « détail » pour les français, ce fameux « détail de l'Histoire » que constituent les chambres à gaz pour un certain Jean-Marie Le Pen.
    Simple hasard diront certains,  simple « détail » du discours, l'important étant ailleurs. Mais à l'heure des conseillers en communication, de la relecture méticuleuse du moindre mot, du moindre second sens latent, il est difficile de croire que ce « détail » en est un. D'autant plus qu'il s'applique à un amendement qui est très loin d'en constituer un. Et ce pour plusieurs raisons.


    1. Tout d'abord, Les tests Adn pour s'assurer de la filiation biologique s'apparente à une vision normative et régressive de la famille. Est-ce que la famille est ancrée dans le tout biologique ? Est-ce qu'une famille c'est seulement un père et une mère biologique ? Mais alors qu'en est-il des familles recomposées, homoparentales, des adoptions qui ne se reconnaissent pas dans un texte comme celui-ci.


    2. Certes, ce dispositif ne s'applique pas aux français rétorqueront certains. Mais justement, le second problème est bien là : dans sa portée discriminatoire et stigmatisante. En remettant en cause l'universalité du dispositif, la France crée un précédent en rompant avec le pacte républicain qui fait son essence : celui d'égalité : égalité de traitement entre tous les citoyens, égalité devant la loi.
    Or, cet amendement remet en cause ce principe sacré inscrit au cœur de notre pacte républicain. Et ce d'autant plus qu'il ne  s'appliquerait qu'aux seuls étrangers hors UE. Un couple roumain, allemand, danois qui désirerait faire venir son enfant en France au titre du regroupement familial n'aurait pas à subir la suspicion – car il s'agit bien de cela – qui se porte en revanche sur les familles africaines ou asiatiques notamment.


    3. Cet amendement est dangereux. Parce qu'il porte le discrédit sur les étrangers, en faisant de ceux-ci des menteurs, des tricheurs, des fraudeurs qu'il s'agirait de surveiller, de contrôler en permanence. Parce qu'il jette les bases d'une suspicion rendue légitime parce que légalisée contre les noirs, les maghrébins, les asiatiques, etc.


    Non, M. le premier Ministre, cet amendement est loin d'être un « détail » du projet de loi sur l'immigration. Il en est plutôt sa quintessence, il en révèle son idéologie sourde et latente, suspicieuse, maligne, honteuse même, dans un pays comme la France qui a un passé lourd et particulier avec l'Histoire sur ce sujet. Passé qui n'est jamais vraiment passé, pour reprendre les termes de Marc Bloch,  parce que  jamais assumé totalement.


    Monsieur le Premier Ministre, retirez ce terme, ayez le courage et l'obligeance de vous excuser d'avoir employer un terme si dérisoire et si « pollué »  pour traiter d'un problème si grave.
    Oui, cet amendement est dangereux. Et ce n'est pas parce qu'il est en partie vidé de sa substance que son danger en sera pour autant effacé. Il aura laissé s'immiscer dans les consciences et au sein même de la représentation nationale l'idée selon laquelle la famille est inscrite dans les gènes uniquement, que les modèles parentaux différents n'ont aucune légitimité,  que dans certaines cultures, il existe autant de pères et/ou de mères qu'il y a d'oncles et de tantes chez nous. Mais pire, que les étrangers sont tous potentiellement des fraudeurs, qu'ils faut les contrôler en permanence parce qu'ils menaceraient la cohésion sociale. La suspicion à l'égard de l'autre semble retrouver ses lettres de noblesse en ce début de XXI siècle.


    Parler de « détail » à ce sujet, est plus qu'une erreur sémantique, qu'une faute de l'Etat français par la voix de son premier Ministre, c'est un retour inquiétant de thèses qu'on pensait dépassées, ostracisées. En France, les « détails » de l'Histoire tuent, ont tué. On ne peut employer impunément ce genre de termes su des sujets aussi sensibles qui font intervenir la vie d'hommes et de femmes, qui souffrent, qui espèrent, qui attendent, qui tremblent...

     


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