• le désarroi de l'individu hypermoderne

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    Un nouveau concept est en train d'asseoir sa suprématie pour rendre compte des profonds bouleversements politiques, sociaux, idéologiques, culturels, économiques, etc. qui touchent nos sociétés occidentales depuis une trentaine d'années : celui d'hypermodernité.

    L'avènement de l'ère hypermoderne ferait ainsi suite à ce qu'on appelait il y a encore quelques années la post-modernité, née du refus de l'holisme faisant suite au mouvement d'émancipation individualiste qui s'est imposé dans les années 60. Mouvement libertaire, émancipateur et hédoniste qui consacrait la jouissance du présent immédiat et le refus des dogmes et des traditions héritées du passé.

    Mais ce mouvement semble lui-même s'être essoufflé, il n'était en fait que la forme encore incertaine et non définie des nouveaux modes de relations interpersonnels et des rapports sociaux qui émergeaient alors. Fin d'un ancien monde qui ne savait pas encore définir les contours d'un nouveau émergent dans lequel nous évoluons désormais.

    Mais avant de définir plus avant ce que recouvre le concept d'hypermodernité et son incidence sur l'individu hypermoderne, il convient de revenir rapidement sur le concept de post-modernité en relevant ses caractéristiques propres et les enjeux de sa scission avec la modernité.

    <o:p> </o:p>I.                  La postmodernité ou la seconde modernité
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    Le concept de postmodernité est apparu en sociologie dans les années 80 pour venir définir les nouveaux comportements sociaux et individuels venant frapper les institutions sociales et ébranler leur solidité.

    La modernité avait permis à l'homme de se libérer des chaînes de la tradition, de la référence à la transcendance, en lui reconnaissant une place singulière en tant qu'individu à part entière. Mais l'individu différencié, singulier, restait toujours lié à des collectifs forts, à une communauté identitaire : ce furent la classe sociale, la communauté familiale, le statut professionnel : l'individu se rapportait toujours à un collectif particulier. Défait de la tradition certes, le regard tourné vers le futur, avec l'idéal de progrès, de raison, de sens à l'Histoire qui permettait de structurer et de rassembler l'ensemble de la société autour de quelques idéaux collectifs clairs, les groupes sociaux autour d'idéologies politiques, les classes sociales autour d'une identité professionnelle de classe. L'individu moderne s'émancipait à partir de socle commun d'appartenance auquel il pouvait aisément se référencer, auquel il s'identifiait, et auquel on pouvait également facilement l'identifier.

    L'individu moderne était un « Je » au milieu d'un « Nous », évoluant dans un monde cohérent, hiérarchisé et structurant sur le plan identitaire.

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    En revanche, à partir des années 60, un mouvement de seconde individualisation voit le jour : une poussée libertaire, qui refuse toute forme de hiérarchisation, tout dogme idéologique, toutes normes imposées de l'extérieur de manière autoritaire. La seconde modernité veut faire de l'individu le propre sujet de son histoire, détaché de toute appartenance, de toute identité collective limitante. La poussé libertaire se conjugue d'une poussé hédoniste : au temps de la projection, de l'à venir se substitue le temps court, le présent immédiat. Dans le temps long, on construit, on travaille, on remet toujours le bonheur  demain. Dans le temps court, le bonheur doit être vécu, il faut jouir de la vie, de sa liberté. L'impératif présentéiste succède à l'impératif projectif. Mais c'est un présentéisme jouissif, ludique : la frénésie consommatoire et communicationnelle en sont deux des composantes essentielles. Sur le plan sociologique, l'individualisation croissante  se conjugue d'un libéralisme sur le plan économique.

    La référence identitaire est autocentrée, c'est l'individu lui-même qui se définit par lui-même : on assiste à la déréliction des grandes idéologies politiques et sociales, à la baisse de la religion, à l'augmentation des divorces, des séparations, etc. les collectifs éclatent. Il y a une désertion aux références collectives : l'identité individuelle est avant tout autoréférentielle et autoréflexive.  Le postmodernisme consacre l'individu libéré de la hiérarchie, des références collectives. Mais c'est une libération vécue sur le monde « cool » de la décollectivisation, du dés-autoritarisme social qui veut jouir de l'instant, sans avoir encore d'idée claire et définie de l'avenir : l'étape postmoderne est à ce titre une étape sans téléologie, sans rationalité instrumentale, sans but autre que défaire ce qui était, détricoter les institutions, délier l'individu de ses rôles sociaux. Elle vit dans l'immédiateté positive.  « Le post de post-moderne nous dit Lipovetsky[1],  dirigeait encore le regard vers l'arrière décrété mort, il donnait à penser une disparition sans préciser ce que nous devenions (...) dans la foulée de la dissolution des encadrements sociaux, politiques et idéologiques[2]»

    La postmodernité a modifié notre rapport à la temporalité, en le centrant sur le présent, sur l'immédiateté. Mais ce fut une immédiateté jouissive, un présent hédoniste. On savait ce qu'on défaisait, sans savoir ce vers quoi nous allions et nous jouissions innocemment de ce renoncement à l'autorité et à la contrainte sociale.

    L'individu postmoderne pourrait se définir comme un « Je »  isolé délibérément de tout « Nous », de toute référence identitaire hors lui-même : avènement de l'homme narcissique donc.

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    Mais cet éclatement du passé, cette centration sur un présent vécu sur le mode du plaisir, de la satisfaction immédiate n'était en fait que les premiers soubresauts d'un mouvement plus global vers une modernisation accélérée et effrénée, à tous les niveaux : aussi bien économique, technologique que consumériste et individualiste.

    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>II.               l'avènement de l'hypermodernité
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    L'hypermodernité, dans cette approche, fait donc suite à la postmodernité, celle-ci étant considérée comme la première étape de celle-là. L'hypermodernité se développe dans la suite de la postmodernité. Toutes les catégories de pensée « antérieures » s'effritent et sont régurgitées par l'idéologie hypermoderne. Les classes sociales disparaissent, au profit d'individualités multiples, et de spécificités culturelles. La protection sociale et la solidarité perdent de leur consistance dans un univers individualisés et décollectivisés. Les idéologies structurantes (socialisme, communisme, nationalisme) s'effacent au profit de la seule idéologie libérale.

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    L'hypermodernité consacre la consommation, la marchandisation, l'efficacité technologique, et l'individu : elle repose sur une approche économiste des rapports sociaux et des relations humaines : tout doit être fait dans le sens de la maximisation de son profit personnel, c'est la seule finalité qui soit bonne, valorisée, encensée. L'homo oeconomicus succède à l'homo sociologicus. Individualisme et libéralisme sont liés. Une nouvelle modernité s'est donc mise en marche, reposant sur un « monde déréglementé et globalisé, sans contrainte, absolument moderne ».

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    On est désormais dans le « toujours-plus », à tous les plans : consommation, politique, économique, social : nous vivons dans l'ère de l'hyper : hypermarché, hyperterrorisme, hyperconsommation, hypersexualité, hypersentimentalité, hypersurveillance, hyperindividualisme, voire même depuis peu, hyperprésidentialisme.

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    C'est le règne de l'excès, la règle du toujours-plus qui prévaut. Tout s'individualise : la religion, la politique (on en sait quelque chose de l'individualisation du pouvoir), la sexualité, la famille : chacun construit son univers selon ses désirs, ses motivations, hors de toute contrainte sociale et institutionnelle jugée comme liberticide.

    «  Il ne s'agit pas plus de sortir du monde de la tradition pour accéder à la rationalité moderne, mais de moderniser la modernité elle-même (...). Au volontarisme de « l'avenir radieux » succède l'activisme managerial, une exaltation du changement, de la réforme, de l'adaptation dénuée d'horizon de confiance et de grande vision historique[3] ».

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    En effet, aujourd'hui ce qui dure, ce qui se répète est considéré comme aliénant. Il faut que les choses changent en permanence pour se sentir pleinement vivre (changement de job, de femmes, de maris, de vie, de meubles, de déco, etc.). Cela sert la consommation effrénée puisqu'il faut toujours avoir davantage, toujours innover, toujours consommer de la nouveauté. Entreprise consumériste d'exaltation de la nouveauté. Cette hypermodernité induit également une modification temporelle que la postmodernité avait déjà initiée : la centration sur le présent.

    Mais au présent festif et jovial de la postmodernité, succède en temps hypermodernes, un présent anxiogène, incertain, fait d'urgence, d'hyperactivité et d'hypervitesse. Au règne de l'hédonisme postmoderne se substitue le règne de l'urgence hypermoderne.

    Mais ce n'est pas tout : l'urgence n'est qu'un aspect de cette transformation temporelle. Une autre dimension caractérise aussi les temps hypermodernes : c'est la fragmentation, la multiplication des temporalités individualisées. Les deux dimensions sont intimement liées : en temps d'urgence, il faut tout faire, et le faire vite : loisirs, boulot, temps personnalisés. Le règne de l'urgence condamne l'individu à vivre pleinement sa vie sans pause. S'arrêter, c'est mourir désormais. Il est insupportable d'être malade une journée, tant le monde avance vite et tant on se rend alors compte que notre existence pèse bien peu dans ce mouvement perpétuel. Il faut bouger, courir, travailler, jouer, se divertir, voyager, etc en continu pour avoir le temps de goûter aux plaisirs de la vie.

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    Pour l'auteur, cette temporalité nouvelle trouve ses racines dans le changement des mentalités impulsé par les modifications des modes de vie et des aspirations individuelles.

    Nouveauté et urgence sont les maîtres mots des temps hypermodernes : culte de la néophilie, qui sert l'idéologie consumériste d'un côté, culte de l'urgence qui sert la financiarisation de l'économie de l'autre.

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    « Le présent substitue les bonheurs privés à l'action collective, le mouvement à la tradition, l'extase du toujours-plus aux espérances du futur. » mais ce n'est plus une temporalité frivole postmoderniste, plutôt une temporalité du risque : « l'emprise du temps à dominante frivole a été relayé par le temps du risque et de l'incertitude[4] ».  Il faut prendre des risques s'il on veut réussir, s'enrichir, aimer, vivre pleinement. Cette contraction temporelle a pour effet de privilégier le temps court au détriment du moyen et long terme. Tout ce qui agit à court terme est valorisé mais d'autant plus risqué : la bourse et la finance mondiale en sont les exemples les plus significatifs et ne se sont jamais aussi bien portées avec l'exigence de rentabilité à court terme des actionnaires, au détriment parfois des entreprises elles-mêmes qui doivent avoir une politique à moyen, long terme de développement et d'investissements !

    De la même manière, le rôle et l'interventionnisme étatique sont dépréciés car les résultats de ses interventions sont toujours à long terme (Education, recherche, investissements, etc.)

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    Pourtant, nous dit l'auteur, l'urgence, l'immédiateté, la domination de l'économisme n'ont pas pour autant chassé les aspirations morales, les attentions portées au long terme. la rationalité instrumentale (rationalisation à outrance) n'a pas fait disparaître la rationalité axiologique (la dimension morale, éthique) des comportements sociaux. Aujourd'hui de nouveaux thèmes porteurs voient le jour ou refont leur apparition : écologie, défense des droits de l'homme, mouvements associatifs, etc. ces tendances démontrent pour l'auteur une recherche de protection de la part des individus face aux dangers du monde. « Le climat du premier présentéisme libérationniste et optimiste, empreint de légèreté s'est effacé au bénéfice d'une demande généralisée de protection [5]».

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    Ce qui fait la particularité des temps hypermodernes pour Lipovetsky, à la différence des temps postmodernes c'est justement qu'ils ne nient pas le passé et le futur. Certes, le temps est compressé sur le présent, mais c'est un présent qui s'épaissit du passé et de l'avenir ; qui n'est pas autarcique, autoréférentiel comme pouvait l'être le présent postmoderne. Ci le présent est anxiogène aujourd'hui, c'est justement parce qu'il se vit sur le mode d'un avenir incertain, sans ligne de conduite, sans cap.

    Pour imager, nous pourrions dire que nous sommes tous sur un bateau lancé à vive allure sur l'océan en pleine nuit sans avoir boussole ni compas. Nous ne savons pas où nous allons, mais nous y allons de plus en plus vite. Si le présent est anxiogène c'est parce qu'il se construit sans vision claire et sécurisée du futur.
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    Les idéologies ont disparu, notre foi dans le progrès est ébranlée, plus ambivalente, notre foi dans la raison libératrice s'étiole, le rapport au devenir historique est donc plus incertain, plus sombre. Si le propre de la modernité était d'avoir fait subir une transmutation temporelle du passé vers le futur, de la tradition vers le progrès, nous assistons aujourd'hui à un rétrécissement de l'horizon temporel : rien est assuré, le futur est un risque, le présent est donc vécu sur un mode anxiogène.

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    Si de nouveaux intérêts à long terme voient le jour, c'est justement pour essayer de maîtriser ce risque, cette incertitude de l'avenir. La sphère marchande elle-même doit s'occuper du futur, sans quoi elle est menacée de mort, elle creuse son propre tombeau. L'accentuation sur le présent et le court terme fait peser un risque sur la confiance. Or, toute économie repose en premier lieu sur la confiance des participants. Si la confiance s'étiole, la sphère marchande s'étiole également. Or, la confiance nécessite de définir des visions claires à moyen et long termes. Aujourd'hui la confiance est instable, fluctuante, elle varie au gré des événements.

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    Ce qui amène l'auteur a considéré que l'hypermodernité développe également une éthique de l'avenir, dont le culte de la santé, la prévention, le principe de précaution, le souci écologique sont quelques uns des enjeux. « Prévoir, anticiper, projeter, prévenir c'est une conscience jetant des ponts vers demain qui s'est emparée de nos vies individualisées. »[6] Les mouvements associatifs luttant contre la pauvreté, la relégation, les ONG, etc. participent également de cette éthique de l'avenir.

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    Ces transformations dans le rapport au temps ont nécessairement des incidences sur l'individu. l'hyperindividualisme est ainsi pour Lipovetsky moins instantanéiste que projectif, moins festif qu'hygiénique, moins jouisseur que préventif, la dimension au présent intégrant de plus en plus la dimension de l'après (l'exemple de l'interdiction de fumer entre dans ce schéma : on prive de « plaisirs » immédiats pour assurer une santé à venir meilleure).

    L'individu hypermoderne reste donc un individu projectif, un individu pour le futur, un être au-devant-de-soi (Heidegger), mais c'est un au-devant qui à la différence de l'époque moderne est incertain, indéfini, ombreux, problématique et qui conduit à un présent anxiogène.

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    Autre point important : l'hypermodernité a certes accentué le toujours-plus, le quantitatif. Désormais l'angoisse de la mort pèse moins que l'angoisse du même, de la répétition. Mais elle n'a pas aboli la dimension affectuelle, sensible. Au contraire même, celle-ci tend à se renforcer : au toujours-plus consumériste et marchand correspond le toujours-mieux qualitatif et affectuel. « Suractif, l'individu hypermoderne est également prudentiel, affectuel et relationnel : l'accélération des vitesses n'a aboli ni la sensibilité à l'autre, ni les passions du qualitatif, ni les aspirations à une vie équilibrée et sentimentale.[7] »

    C'est un autre des paradoxes des temps hypermodernes. Un simple exemple suffira : le cocooning s'est développé (mieux-être) dans le même temps que s'est développé la marchandisation de l'aménagement de l'espace privé (toujours-plus). Mais en temps hypermodernes, la sphère marchande récupère ces aspirations externes pour la définir dans sa propre logique rationnelle : « Mieux-être » et « toujours plus » deviennent alors deux processus dérivatifs d'une même logique : la logique économico-marchande, relayé par la communication médiatique. Pour autant, le mieux-être tend à orienter son attention sur le temps long, le toujours-plus sur le présent.

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    Mais pour l'auteur[8], le risque essentiel des temps hypermodernes n'est pas du côté de l'économisme des comportements humains, mais plutôt au niveau de la fragilisation des personnalités. En effet, la société hypermoderne est dérégulée économiquement, mais également socialement avec l'absence – ou tout au moins – l'affaiblissement de collectifs structurants. Ces collectifs peuvent aussi bien être des entités objectives (groupes sociaux, communautés culturelles) que des entités subjectifs (valeurs, idéaux républicains, etc.). La libération de l'individu de ses socles d'appartenance, de ses liens de filiation (symboliques, réels ou imaginaires) conduit moins à une maîtrise du Moi et au triomphe du sujet libéré qu'à la désorientation et l'absence de repères (avec le risque d'anomie qui y fait suite).

    « Livré à lui-même, désenchanté, l'individu se trouve dépossédé des schèmes sociaux structurants qui le dotaient des forces intérieures lui permettant de faire face au malheurs de l'existence. (...) Plus on veut vivre libre et intensément, plus s'accroissent les expressions de la peine à vivre. [9]»

    Il n'y a qu'à se pencher sur la littérature contemporaine et ses auteurs désillusionnés, désenchantés, qui possédant tout, ayant tout vécu, constatent avec indolence que l'essentiel est ailleurs, tout en continuant à œuvrer dans la logique consumériste qui à défaut de donner un sens au monde et à la vie, permet d'éviter de trop s'interroger sur cet ailleurs[10].

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    Le problème de cette hyperindividualisation, c'est que l'individu en se libérant, s'allège également et finit pas perdre pied : il ne sait plus à qui ni à quoi se raccrocher. Il perd en sécurité ce qu'il gagne en liberté, car le « Nous » a l'avantage d'être structurant, rassurant, protecteur (qu'on pense simplement à la famille, lieu ressource plus que lieu refuge). La décollectivisation massive a pour conséquence au niveau identitaire une perte de repères. Délié, centré sur lui-même, l'individu manque de lien.

    <o:p> </o:p>Retour du religieux et des nationalismes
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    C'est pourquoi on assiste depuis plusieurs années à un retour en force du religieux. Religieux individualisé bien sûr, mais révélateur de cette quête de sens, de cette quête identitaire à laquelle désormais chacun essaie de se livrer. A la différence d'autrefois, cette quête est individualisée, elle ne vaut que pour soi, elle n'est plus collectivement structurante. Chacun bricole dans son réservoir de croyances pour se définir une religion sur mesure (d'où le succès des sectes notamment). C'est un religieux désinstitué (l'hypermodernité est passée par là entre temps), plus affectuel, plus proche, moins dogmatique et autoritaire.

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    Cela permet de redonner un sens, cela sert l'identité individuelle. Ce retour de la rationalité axiologique ne condamne pas la rationalité instrumentale qui domine toujours, mais elle vient en complément, la raison et l'action instrumentale manquant cruellement de sens. Ce sont les valeurs, l'éthique, les idéaux qui donnent un sens à l'action, à nos vies.

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    Mais ce retour du religieux s'accompagne également d'un retour du nationalisme qui agit de la même façon. Face à la perte identitaire dans l'univers mondialisé, le nationalisme offre un cadre structurant, des repères identitaires, un socle  partir duquel se construire. Le danger est donc grand de voir les spectres du nationalisme se relever.

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    Mais l'auteur de son côté, conclut de manière optimiste, avec une ouverture qui sonne comme un vœu d'espoir. L'effondrement du sens n'atteint pas son terme, il n'y a pas de nihilisme. Certes, nous dit-il la puissance techno-marchande domine, la société libérale s'impose presque partout, mais il reste néanmoins un noyau dur de valeurs partagées. « L'hypermodernité est une spirale techno-marchande se doublant du renforcement unanimiste du tronc commun des valeurs humanistes démocratiques[11] ».L'éthique politique n'a pas disparu : les mouvements pour les droits de l'homme, les ONG, les aspirations écologiques, etc. sonnent comme des espoirs de rapports sociaux non contaminés par la logique marchande du profit (qui n'offre aucun sens au monde, c'est là son problème, sinon l'idéal narcissique de sa propre contemplation).

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    Ces idéaux sauront-ils redonner un sens à l'action humaine. A leur façon, les retour du religieux et des nationalismes participent du même mouvement, celui de la quête de sens face à des individus fragilisés, précarisés, déstructurés,  à la différence essentielle que si les premiers portent des valeurs oecuméniques, unitaires et unifiantes, ces derniers font peser des risques de scission, de clivages, de divisions ethniques, religieuses, communautaires qui n'ont jamais rien apporté de bon à l'humanité.

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    [1] Gilles Lipovetsky, Les temps hypermodernes, Biblio essais, Grasset, 2006.

    [2] Ibid, p. 50-51.
    [3] Ibid, p. 55
    [4] Ibid, p. 61
    [5] Ibid, p. 62.
    [6] Ibid, p. 71

    [7] Ibid, p. 80

    [8] A ce titre, il n'est pas le seul, la plupart des sociologues s'entendent aussi sur la fragilisation de l'individu contemporain et la difficulté à trouver des repères identitaires.

    [9] Ibid, p. 82.

    [10] Je situe notamment dans cette catégorie d'auteurs à succès F. Beigbeder, P. Sollers et autres contemporains.

    [11] Ibid, p. 97



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