• Bayrou et les entreprises

    Récompenser les bons élèves
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    Je constate que M. Bayrou prévoit de supprimer les charges sociales qui pèsent sur l'emploi pour les deux premiers contrats signés au sein de l'entreprise. Personnellement, je trouve l'idée séduisante. Néanmoins, j'aurais préféré qu'elle reste cantonnée aux PME qui connaissent effectivement des difficultés importantes de recrutement à cause des charges sociales et patronales qui pèsent sur l'emploi. En revanche, les grandes entreprises, cotées en Bourse ne méritent pas d'être aussi bien traitées. Tout simplement parce qu'aujourd'hui, à l'heure du capitalisme financier, les profits issus de la production ne servent qu'à entretenir le retour sur investissement des actionnaires. Les managers des grands groupes industriels, sont souvent contraints mais également complices de cette manoeuvre (cela fait grossir leur stock-option), qui, pour séduire de nouveaux investisseurs financiers, essaient de tirer un maximum de profits, en faisant jouer à la baisse les coûts de production (délocalisations, automatisation, centralisation et économies d'échelles, etc.) et plus particulièrement ceux qui s'abattent sur les coûts salariaux et l'emploi. Or, si ces profits permettaient encore d'investir par le passé, et ainsi d'entretenir et de renouveler l'emploi, on sait très bien que ces profits sont pour l'essentiel avalés par la "gloutonnerie" des actionnaires. En 2005, la somme versée aux actionnaires représentait environ 60% de l'excédent brut d'exploitation, c'est-à-dire du profit des entreprises! Je trouve que ce cadeau aux grandes entreprises n'est pas une solution adaptée alors même qu'elle l'est pour les PME.


    En outre, le problème de l'emploi est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. C'est à une refonte structurelle de l'économie qu'il faut s'atteler. Nous savons très bien qu'aujourd'hui l'essentiel de l'emploi se concentre sur l'emploi qualifié, ce qui pose des problèmes importants concernant les travailleurs non qualifiés. Nos sociétés sont entrées dans l'ère de la post-industrialisation et des services. Or, quid des travailleurs non qualifiés?  Le principe de destruction-création permet peut-être de renouveler le travail et de favoriser l'innovation mais il se fait dans un sens précis et irréversible : celui d'une destruction des emplois non qualifiés pour celui de la création d'emploi qualifié. Si vous détruisez les emplois de caissiers dans les grandes surfaces, pour y mettre des machines automatisées à la place, vous créez du chômage supplémentaire. Mais cette disparition d'une forme d'emploi est aussi créatrice d'une autre forme d'emploi : il faudra des spécialistes en informatique, des ingénieurs, etc. pour faire fonctionner et entretenir ces mêmes machines. Peut-être qu'au total, le stock d'emploi restera le même, mais les emplois nouvellement créés diffèrent radicalement des emplois supprimés. Ce sont les travailleurs à faible qualification qui trinqueront!


    Certes, les entreprises sont au centre du processus économique. Ce sont elles qui créent des biens, des richesses, qui investissent, qui emploient et qui permettent de consommer. Mais encore faut-il que la répartition des richesses créées se fasse de manière équitable. Je sais que le politique n'est plus maître à bord, et que l'économie mondialisée lui laisse peu de marges de manoeuvre. Mais s'il y a encore bien un domaine qui lui est propre c'est celui de la redistribution. L'économie permet de produire des richesses, elle permet de distribuer les revenus engendrés par la production de ces richesses et elle permet la consommation. Mais le politique peut encore intervenir au niveau de cette redistribution, pour essayer de la rendre la plus égalitaire possible. Pourquoi ne pas taxer les grandes entreprises qui n'embauchent pas alors même qu'elles s'implantent sur des zones franches, ou qu'elles bénéficient d'avantages fiscaux de la part de l'Etat. Pourquoi à l'inverse ne pas récompenser les entreprises qui embauchent, qui produisent et qui sont créatrices de richesses et porteuses d'innovations. Ceux qui mettent l'entrepreneur au centre (à juste titre je pense) du système ne sont pas sans savoir que J. Schumpeter préconisait déjà de mettre en place un tel système. Les entreprises qui embauchent doivent être récompensées. De la même manière, il me semble judicieux pour ceux qui souhaitent effectivement travailler davantage de retirer les charges sociales qui pèsent sur les heures supplémentaires comme le prône M. Sarkozy. Cependant sa vision est purement idéologique et ne servirait que l'entreprise et non le travailleur, car celle-ci privilégierait l'emploi d'heures supplémentaires sans coût supérieur plutôt que l'emploi de nouveaux salariés. Oui, pour la suppression des charges qui pèsent sur les heures supplémentaires à condition d'y lier une obligation d'embauche en parallèle, ou pour le moins des sanctions pour les entreprises qui useraient trop des heures supplémentaires sans créer d'emplois.


    Je pense qu'il faut un vrai débat de fond sur la question de l'emploi car il n'y a pas de recettes miracles, ni de solutions simples ou idéologiques. Je pense aussi qu'il est nécessaire de distinguer les PME des grandes entreprises qui ne sont pas confrontées aux mêmes problèmes et réalités économiques. Les premières sont globales et dépendantes du capitalisme financier. Les secondes sont encore beaucoup plus ancrées dans le tissu local et souvent liées à un capitalisme familial ou à l'autofinancement. Ce sont donc deux systèmes forts éloignés qu'il faut traiter séparément.


  • Commentaires

    1
    Mardi 6 Février 2007 à 16:57
    destruction-création
    Hayek n'est-il pas passé par là ? En effet, il est clair que de traiter les PME et les multinationales de la même manière n'a guère de sens. Quand on songe que Total ne sachant que faire de ces bénéfices rachète ses actions pour augmenter les dividendes restantes, il est clair que ça ne profite guère aux salariés. Quand aux heures supplémentaires, c'est un vaste programme. Quand on sait que la fraude aux heures supplémentaires représente un volume indécents, il est difficile de concevoir l'impact que des mesures pourraient avoir. Travailler plus pour gagner moins, comme dirait l'autre. nico.
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