• Sur l'identité sociale et individuelle.

    Sans entrer dans le détail des conceptualisations multiples et variées de l'identité, afférentes aux différentes sciences sociales et humaines qui les traitent (sociologie, philosophie, anthropologie, psychologie, voire biologie, etc.), je propose ici une courte réflexion sur la manière dont les individus, dans nos sociétés contemporaines, élaborent leur critères identitaires de définition.

    À la question qui suis-je ou plutôt qui êtes-vous, moins ontologique, mais plus sociologique (car c'est toujours par rapport à autrui que l'on s'identifie) les individus répondent souvent de manière très variée.

    Contrairement à autrefois, où l'identité statutaire permettait de définir les individus, nous vivons une époque où les individus refusent de plus en plus de voir l'Institution leur assigner une identité de fait. L'assignation identitaire est considérée comme un enfermement identitaire, une privation de liberté et de choix, une contrainte sociale pesante. Ainsi, les couples peuvent vivre hors du mariage tout en se considérant et en étant considérés comme couple au regard de la société. Ils n'ont plus besoin d'avoir la reconnaissance institutionnelle de leur identité de couple, assignée par l'Etat via le mariage. L'identité conjugale n'est plus instituée de l'extérieur, mais instituante de l'intérieur, par les conjoints eux-mêmes.

    Cet exemple, emprunté au champ de la conjugalité, vaut également pour beaucoup d'autres champs sociaux (travail, communauté, appartenance sociale, religieuse, ethnique, etc.)

    Ainsi, aujourd'hui, les individus veulent rester libres dans la déclinaison de leur identité. Ils peuvent se reconnaître membre d'une communauté culturelle ou religieuse par exemple, mais dans le même temps, refuser que les autres (la société pour faire simple) les assignent à cette identité. C'est le cas des homosexuels qui revendiquent leur homosexualité afin d'obtenir une égalité de traitement et lutter contre les discriminations dont ils peuvent être victimes, sans pour autant vouloir se laisser enfermer dans cette identité. Non pas qu'ils ne l'assument pas, mais au contraire parce qu'ils ne se sentent pas que homosexuels, mais aussi peut-être catholiques, ouvriers, engagés politiquement, etc. Leur identité n'est pas réductible à leur sexualité.


    Que nous disent ces deux exemples :

    - d'une part que l'identité n'est plus donnée de facto, qu'elle n'est pas acceptée lorsqu'elle est uniquement assignée, mais que de plus en plus elle est choisie, socialement construite et individualisée ;

    - d'autre part, que l'identité n'est pas uniforme, monolithique, mais elle est multiple, et en cela, elle est changeante, évolutive, au gré des trajectoires sociales de chacun, des situations d'interaction (je peux très bien me définir comme protestant face à un interlocuteur catholique, et dans le même temps, me définir comme membre du PS face à un interlocuteur différent, sans que ces deux identités soient incompatbiles).


         En définitive, les individus « bricolent » avec leur identités multiples (culturelles, statutaires, citoyennes, réflexives). Mais la chose n'est pas aussi simple que cela. Si l'individu est libre d'opter pour le critère identitaire de son choix selon la situation dans laquelle il se trouve, les études sociologiques montrent que les pesanteurs sociales sont loin d'avoir disparues. L'individu ne choisit jamais totalement seul ses revendications identitaires. Celles-ci sont toujours influencées par un certains nombres de contraintes sociales.   On sait par exemple que si l'identité est conçue d'abord comme un choix personnel, ces choix s'inscrivent dans des régularités statistiques qui laissent entrevoir la persistance du social au coeur même des décisions individuelles. Prenons un exemple simple pour illustrer notre propos.

          Majoritairement, les femmes accordent en moyenne moins d'importance que les hommes à l'identité professionnelle comme forme constitutive de leur identité sociale et individuelle. Pour autant, lorsqu'on les interroge, on constate que l'identité professionnelle est d'autant plus revendiquée comme un marqueur identitaire qu'elles sont scolairement et professionnellement avantagées. Autrement dit, derrière le refus d'assignation identitaire, les choix individuels de construction et de définition de ses propres critères identitaires restent inscrits dans des modèles sociaux particuliers. Les femmes instruites et qui disposent d'un emploi qualifié vont faire du travail un marqueur identitaire plus important, tandis que les autres mettront davantage en avant leur identité de mère par exemple.

          De la même manière, on constate que l'identité professionnelle chez les hommes reste essentielle, car dans la plupart des cas, l'absence d'emploi ne débouche pas sur une capacité à déplacer le marqueur identitaire. Il n'y a pas d'identité substitutive à l'absence d'identité professionnelle chez les hommes, sauf dans les cas ou justement, ils disposent d'un emploi et refusent de se voir assigné à leur statut professionnel.

         Le poids des contraintes sociales restent donc toujours très présent, puisqu'il agit indirectement sur la manière dont les individus placent le curseur de leur identité. Identités multiples, changeantes, évolutives, mais toujours plus ou moins inscrites dans un ensemble de contraintes sociales qui conditionnent les uns et les autres à se définir dans ce qu'on pourrait appeler une forme de singularité sociale.



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  • Commentaires

    1
    Jeudi 3 Juin 2010 à 07:31
    Identité
    Et donc, tu désires une reconnaissance institutionnelle ? ;-)
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