• Pourquoi M. Sarkozy ne peut pas être un bon président

    La question peut paraître brutale, puisqu'elle sonne comme une déclaration. Mais à mon sens, elle se pose avec d'autant plus de vigueur que les dernières sorties de notre président s'avèrent de plus en plus hasardeuses (il n'y a qu'à lire la presse étrangère, qui l'affuble de toutes parts) dans ses déclarations.

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    En effet, M. Sarkozy ne peut pas être un bon président. Et cela pour les raisons suivantes que je vais tenter d'exposer :

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    Tout d'abord, M. Sarkozy n'est pas l'homme d'un destin, d'un projet pour la France, il est l'homme d'une ambition. Or, l'ambition est au projet ce que le ver est à la pomme : son poison le plus perfide. Tout ce que M. Sarkozy observe et constate est la satisfaction narcissique de son moi. Tout ce qu'il entreprend est la recherche de satisfaction de ce moi.

    S'il demeure légitime d'être l'homme d'une ambition, il ne faut pas que celle-ci recouvre tout et finisse par se générer d'elle-même. Or, M. Sarkozy semble satisfaire à la nature sui generis de sa démesure. Il n'est plus maître de celle-ci, mais c'est elle qui semble le contrôler, l'orienter, l'assujettir. Il n'y a pas de meilleur maître qu'un despote invisible, pas de meilleur esclave qu'un esclave qui s'ignore.

    Le propos peut paraître acerbe, il n'en reste pas moins vrai.

    Je m'explique, car il faut se justifier devant une assertion aussi virulente :

    <o:p> </o:p>Lorsque M. Sarkozy part en vacances privées, il ne se « prive » pas  d'exposer de manière ostentatoire ses signes extérieures de richesse : montres, costumes, yacht, lunettes, etc. Tout y passe, rien est laissé au hasard. Comme il a été voté un texte interdisant tout signe religieux ostentatoire dans l'enceinte des institutions publiques, ne devrait-on pas, de la même façon proscrire la démonstration publique de l'opulence ? Il n'est bien sûr aucunement question de cela ici, nous savons mieux que quiconque que les formes de la distinction sont un des fondements essentiels des sociétés humaines. Néanmoins, il nous semble cependant tout à fait légitime de s'interroger sur l'opportunité pour un Président de la République d'afficher outrageusement une quelconque appartenance de classe, sinon celle de satisfaire son Ego. En tant que représentant le plus élevé du peuple français, il se doit, à ce niveau de responsabilité, d'afficher pour le moins une neutralité publique à l'égard de ce qu'Aristote appelait la chrématistique.
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    Soyons bon joueur, et reconnaissons néanmoins que la démesure élyséenne n'est pas propre à M. Sarkozy. M. Mitterrand avant lui avait su tirer tous les avantages du poste et de la fonction. Pour autant, si la démesure du second lui donnait des airs de Régent suprême, celle du premier consacre son bouffon. Bouffon audacieux, vitupérant et intrépide, certes, mais bouffon viscéralement. Clown granguignolesque, en mal d'assurance, en mal de reconnaissance, qui va chercher dans la foule, dans le peuple qui travaille ovations et acclamations ; dans les sondages cette félicité qui l'euphorise ; dans la Cour de ses aspirants  des candidats aux éloges ; et depuis peu dans sa femme l'assurance qui lui manque. Milan Kundera dans un de ses romans célèbres disait à propos de son jeune héros qu' « il avait épousé une femme dont la beauté lui donnait de l'assurance ». Ce mot conviendrait aisément à notre propre président.

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    Bouffon disais-je, mais bouffon vitupérant : une gestuelle frénétique, des grimaces mécaniques, un mouvement perpétuel. Mais les grandes choses, c'est bien connu, se font dans la lenteur. Les grandes œuvres appellent le silence, la sérénité des corps et de l'esprit. Rien de bon ne se fait dans l'urgence : or, nous vivons dans le siècle de l'urgence. Mais le sort d'un Président n'est pas de « rentrer » dans la mêlée, de s'immerger dans le flot incessant et tumultueux des faits divers en s'y jetant à corps perdu. Il a un rôle de « guide ». Il est celui qui observe, qui constate et qui propose ; il n'est pas celui qui se jette au cœur du combat (exemple des marins-pêcheurs à qui il promet un jour ce qui est défait le lendemain).

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    Bouffon disais-je donc, mais bouffon intrépide : en effet, M. Sarkozy s'empare du moindre fait divers pour en faire un fait de société et s'enorgueillir d'une nouvelle loi, d'un nouveau dispositif, d'une nouvelle idée. Propos hasardeux, qui, s'ils sonnent juste sur l'instant, dans la dimension émotionnelle du fait accompli, s'essoufflent et s'épuisent dans la durée, dans la dimension rationnelle de la loi Républicaine. Imprudence des mots qui sont lâchés, oublieux que ceux-ci ont un sens qui dépasse la portée de la bouche qui les dit. 

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    Président à ce titre hypermoderne : hyperprésident entend-on souvent. Mais il faut prendre le terme d' « hyper » dans son sens sociologique : qu'est-ce qu'un hyper-individu ? C'est un homme dont l'action se centre sur l'immédiateté, sur le détachement au social, aux sphères collectives, sur lui-même. Individu multiple, éclaté, qui se prend comme totalité. Or, M. Sarkozy remplit bien tous ces rôles à la fois.

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    Mais encore une fois ce n'est pas là le rôle d'un Président de la République :

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    Celui-ci a le devoir d'embrasser le peuple, (au sens figuré bien sûr et non pas au sens propre ce qui est trop souvent le cas). Il dispose du rôle de garant des Institutions, sa parole est celle de la France. Il ne doit pas être un homme qui incarne une fonction mais une fonction incarnée par un homme. La différence peut paraître tenue, elle est essentielle.

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    En effet, chez M. Sarkozy, son statut d'individu particulier  passe avant son statut de Président : c'est sans aucun doute sur ce point – s'il en faut une – que M. Sarkozy marque une rupture fondamentale avec ses prédécesseurs. Il fait passer ses volontés personnelles, ses émotions, ses plaisirs, ses déceptions avant sa fonction. Il regrette ainsi que les racines chrétiennes de l'Europe aient été supprimées du traité européen ; il s'amuse à dire aux ouvriers d'Arcelor-Mittal que leur ville n'est pas l'endroit rêvé pour un voyage de noces, etc. quand le Général de Gaulle refusait par exemple, de se rendre à la messe le dimanche, au nom de la fonction qu'il représentait.

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    Pour toutes ces raisons, j'affirme donc que M. Sarkozy ne peut pas faire un bon président :

    Homme d'une ambition, qui ne réussit pas pour le moment à faire de cette ambition, un destin puis de ce destin un projet (c'est là la force des grands hommes, de transformer la matière première qui leur a permis d'accéder au pouvoir en force d'action positive, tournée vers une finalité, vers un but, autre que la contemplation de soi et de sa réussite), il demeure enfermé dans l'immédiateté de sa condition. Vouloir agir dans l'urgence est un des signes de cette incapacité projective. Versatilité des propos, contradiction entre l'homme et la fonction, entre la parole individuelle et la Parole de la France, besoin impérieux de reconnaissance qui empêche toute action efficace et négociée, besoin d'assurance qui l'exhorte à gesticuler sans cesse, à être partout à la fois, dans la légèreté de l'immédiat, de peur d'être nulle part et de mesurer le poids de son inconsistance. Hypertrophie du moi disait Kahn dans un célèbre article de Marianne, qui masque un malaise profondément ancré. Besoin impérieux d'exister, de se donner à voir, de s'exhiber pour mieux se cacher à soi-même. Je terminerai ce billet en citant un passage du Livre du rire et de l'oubli de M. Kundera qui me semble coller à la psychologie du personnage.

     

    «  On crie qu'on veut façonner un avenir meilleur, mais ce n'est pas vrai. L'avenir n'est qu'un vide indifférent qui n'intéresse personne, mais le passé est plein de vie et son visage irrite, révolte, blesse, au point que nous voulons le détruire ou le repeindre. On ne veut être maître de l'avenir que pour pouvoir changer le passé. On se bat pour avoir accès aux laboratoires où on peut retoucher les photos et récrire les biographies et l'Histoire. »

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  • Commentaires

    2
    Vendredi 8 Février 2008 à 21:46
    aujourd'hui c'est hier et demain confondus
    celui qui refuse la contradiction ne peut accéder à quelques fonctions puisque celles-ci s'inscrivent dans un amalgame nécessaire à l'humilité et au respect de l'instant qui définit le présent, le passé et l'avenir?!?
    1
    Mardi 5 Février 2008 à 21:31
    nouveau riche
    Comme tu le remarques, Sarkozy exacerbe les rancœurs sociales avec son style nouveau riche. Il attise le feu de la révolte d'une manière nouvelle en décrédibilisant son poste de président. Par la même, il ne rend pas service à sa classe. Un atout en moins dans le jeu des capitalistes.
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