• Tours, le 27 avril

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    Je constate que M. Bayrou prévoyait de supprimer les charges sociales qui pèsent sur l'emploi pour les deux premiers contrats signés au sein de l'entreprise. Personnellement, je trouvais l'idée séduisante. Néanmoins, j'aurais préféré qu'elle reste cantonnée aux PME qui connaissent effectivement des difficultés importantes de recrutement à cause des charges sociales et patronales qui pèsent sur l'emploi. En revanche, les grandes entreprises, cotées en Bourse ne méritent pas d'être aussi bien traitées. Tout simplement parce qu'aujourd'hui, à l'heure du capitalisme financier, les profits issus de la production ne servent qu'à entretenir le retour sur investissement des actionnaires.

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     Les managers des grands groupes industriels, sont souvent contraints mais également complices de cette manoeuvre (cela fait grossir leur stock-option), qui, pour séduire de nouveaux investisseurs financiers, essaient de tirer un maximum de profits, en faisant jouer à la baisse les coûts de production (délocalisations, automatisation, centralisation et économies d'échelles, etc.) et plus particulièrement ceux qui s'abattent sur les coûts salariaux et l'emploi. Or, si ces profits permettaient encore d'investir par le passé, et ainsi d'entretenir et de renouveler l'emploi, on sait très bien que ces profits sont pour l'essentiel avalés par la "gloutonnerie" des actionnaires. En 2005, la somme versée aux actionnaires représentait environ 60% de l'excédent brut d'exploitation, c'est-à-dire du profit des entreprises! Je trouve que ce cadeau aux grandes entreprises n'est pas une solution adaptée alors même qu'elle l'est pour les PME. Or, justement, Mme Royal a estimé hier soir sur TF1 que la proposition de F. Bayrou méritait d'être discutée au niveau des TPE et des Pme innovantes ou en difficulté pour recruter. Qu'en revanche, le problème ne se posait pas en ces termes pour les très grandes entreprises.

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    En outre, le problème de l'emploi est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. C'est à une refonte structurelle de l'économie qu'il faut s'atteler. Nous savons très bien qu'aujourd'hui l'essentiel de l'emploi se concentre sur l'emploi qualifié, ce qui pose des problèmes importants concernant les travailleurs non qualifiés. Nos sociétés sont entrées dans l'ère de la post-industrialisation et des services. Or, quid des travailleurs non qualifiés?  Le principe de destruction-création (Joseph A. Schumpeter) permet peut-être de renouveler le travail et de favoriser l'innovation mais il se fait dans un sens précis et irréversible : celui d'une destruction des emplois non qualifiés vers celui de la création d'emplois qualifiés. Si vous détruisez les emplois de caissiers dans les grandes surfaces, pour y mettre des machines automatisées à la place, vous créez du chômage supplémentaire. Mais cette disparition d'une forme d'emploi est aussi créatrice d'une autre forme d'emploi : il faudra des spécialistes en informatique, des ingénieurs, etc. pour faire fonctionner et entretenir ces mêmes machines. Peut-être qu'au total, le stock d'emploi restera le même, mais les emplois nouvellement créés diffèrent radicalement des emplois supprimés. Ce sont les travailleurs à faible qualification qui trinqueront!

    Certes, les entreprises sont au centre du processus économique. Ce sont elles qui créent des biens, des richesses, qui investissent, qui emploient et qui permettent de consommer. Mais encore faut-il que la répartition des richesses créées se fasse de manière équitable. Je sais que le politique n'est plus maître à bord, et que l'économie mondialisée lui laisse peu de marges de manoeuvre. Mais s'il y a encore bien un domaine qui lui est propre c'est celui de la redistribution. L'économie permet de produire des richesses, elle permet de distribuer les revenus engendrés par la production de ces richesses et elle permet la consommation. Mais le politique peut encore intervenir au niveau de cette redistribution, pour essayer de la rendre la plus équitable possible. Pourquoi ne pas taxer les grandes entreprises qui n'embauchent pas alors même qu'elles s'implantent sur des zones franches, ou qu'elles bénéficient d'avantages fiscaux de la part de l'Etat. Pourquoi à l'inverse ne pas récompenser les entreprises qui embauchent, qui produisent et qui sont créatrices de richesses et porteuses d'innovations. Ceux qui mettent l'entrepreneur au centre (à juste titre je pense) du système ne sont pas sans savoir que J. Schumpeter préconisait déjà de mettre en place un tel système. Les entreprises qui embauchent doivent être récompensées. De la même manière, il me semble judicieux pour ceux qui souhaitent effectivement travailler davantage de retirer les charges sociales qui pèsent sur les heures supplémentaires comme le prône M. Sarkozy. Cependant sa vision est purement idéologique et ne servirait que l'entreprise et non le travailleur, car celle-ci privilégierait l'emploi d'heures supplémentaires sans coût supérieur plutôt que l'emploi de nouveaux salariés. Oui, pour la suppression des charges qui pèsent sur les heures supplémentaires à condition d'y lier une obligation d'embauche en parallèle, ou pour le moins des sanctions pour les entreprises qui useraient trop des heures supplémentaires sans créer d'emplois.

    Je pense qu'il faut un vrai débat de fond sur la question de l'emploi car il n'y a pas de recettes miracles, ni de solutions simples ou idéologiques. Je pense aussi qu'il est nécessaire de distinguer les PME des grandes entreprises qui ne sont pas confrontées aux mêmes problèmes et réalités économiques. Les premières sont globales et dépendantes du capitalisme financier. Les secondes sont encore beaucoup plus ancrées dans le tissu local et souvent liées à un capitalisme familial ou à l'autofinancement. Ce sont donc deux systèmes forts éloignés qu'il faut traiter séparément. Et je constate avec plaisir que Mme Royal s'oriente vers une approche similaire en reprenant à son compte une proposition de F. Bayrou à ce sujet, tout en la restreignant aux seuls TPE et PME, ce qui me semble devoir être une bonne chose. Il n'y a qu'à regarder le cas symptomatique et tragique d'Airbus. On licencie 10 000 salariés, afin de relancer l'activité de l'entreprise (admettons !) mais on laisse partir le dirigeant avec 8 000 000 d'euros d'indemnités alors même que l'entreprise se sépare de ses salariés pour faire des économies. Sauf à dire que les 8 millions proviennent du licenciement des salariés, où est la justesse du partage ? Sans être révolutionnaire dans l'âme, on peut quand même resté dubitatif et même choqué devant un tel système obséquieusement inégalitaire.


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  • Colmar, le 24 avril 2007.

    Quelques lignes pour dire ma satisfaction à constater que le débat de l'entre deux-tours aura bien lieu, et dans les conditions traditionnelles du véritable débat, avec opposition et confrontations d'idées. Certains parlent de faux débats, d'une confrontation pour la forme, entre bonnet blanc et blanc bonnet.

    Je ne le crois pas. si l'on s'en tient aux deux grandes écoles de pensée qui traversent et animent toujours les deux grands courants encore majoritaires du pays, nous avons toujours une opposition structurelle sur l'approche économique. Certes, le parti socialiste est acquis à l'économie de marché , certes, le rôle de l'Etat se trouve être de plus en plus réduit dans l'économie mondialisée, mais néanmoins, il demeure des possibilités d'action et des stratégies économiques d'essence différentes entre la gauche et la droite. Pour faire simple, la gauche est keynésienne, tentant d'agir davantage au niveau de la politique de la demande, tandis que la droite reste libérale, d'orientation néo-classique, essayant d'agir sur les politiques de l'offre. La réalité est plus complexe, mais la dimension interventionniste reste plus importante à gauche qu'à droite. Certes, pour Sarkozy comme pour Royal l'économie de marché doit être régulée. Plus personne ne croit à l'optimisation parfaite par l'autorégulation des marchés (encore que!), mais les moyens mis en oeuvre pour intervenir diffèrent sensiblement selon l'un(e) ou l'autre.

    Certes, me direz-vous, il n'y a pas que l'économie dans la vie. Il y a aussi le social, le religieux, les valeurs, etc. Mais le religieux appartient au privé, les idées sur les valeurs sont globalement partagées à l'identique par les deux candidats, il reste le social. S'il est important (essentiel à mes yeux) il demeure néanmoins grandement attaché à l'économique. Mais c'est peut-être là que les divergences de vues sont les plus flagrantes.

    Si Ségolène s'oriente vers un projet qui lie le social et l'économique, Sarkozy veut les traiter différemment, séparément. A chacun de faire un choix en connaissance de cause.

     


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  • Ségolène/Sarkozy, : le duel tant attendu aura donc bien lieu. J'avais prédit un taux de participation de l'ordre de 82% n'osant rêver davantage. je m'étais trompé de peu.

    Jamais autant sondages n'auront été critiqués, et jamais autant sondages n'auront été si "vrais". Nous voilà amené à choisir entre un projet socialiste et un projet libéral. Le bipartisme a eu peur, il aura réussi à vaincre. Néanmoins, qu'on ne s'y trompe pas. Parti de rien, ou de si peu, F. Bayrou a su fédéré autour de lui un nouveau courant, une nouvelle façon de faire et de voir le monde politique. Un Centre est né ce soir en France. C'est peut-être là la véritable victoire historique du 22 avril 2007.

    Mais pour l'instant il va nous falloir choisir, entre deux projets de société, entre deux visions antagonistes des rapports sociaux et économiques. Encore que, loin d'avoir un effet réel et positif sur la vie économique du pays, nos deux prétendants à l'investiture sacrée s'en remettent aux seules valeurs, ces idoles contemporaines à forte charge symbolique.

    Certains parlent d'un choix cornélien, d'uin choix impossible. Entre la peste et le choléra, comment choisir?  De peste, n'exagérons rien, elle n'est pas suffisamment contagieuse pour se répandre à l'ensemble de la population française. De choléra, sachons ironiser et prétendre qu'il s'agit davantage de "colérique" au tempérament versatile et étrangement inquiétant.

    Au premeir tour, nous choisissons, au second nous éliminons. Et bien éliminons! Et d'un mal n'en faisons pas un pire. Je préfère encore la douce incertitude des idées à la tyrannie de la conviction.


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  • Demain, c'est le grand Jour!

    Personnellement, mon vote est déjà arrêté depuis suffisamment longtemps pour ne pas être susceptible de changement dans les dernières heures qui précèderont le choix de notre avenir pour les 5 années à venir au minimum. Mais je compends les indécis, les scruteurs de la dernière heure, les hésitants, récalcitrans, douteux, suspicieux, réfléchis, pessimistes, fatalistes qui doutent, hésitent, penchent, encore. Il faut dire que cette campagne aura été longue et éreintante, tant pour les candidats que pour les désireux de suivre avec pugnacité et volontarisme les moindres mouvements de nos "futurables" présidentiels.

    Mais l'indécision n'est pas mère de l'abstention, contrairement à l'indifférence. L'indécision est la marque d'un activisme certain à l'égard des idées, programmes et personnalités des uns et des autres, elle est un appel à l'adhésion, elle est un appel à la capacité de conviction des candidats. Le vrai choc de 2002, à cetitre, ne provenait pas tant de la situation de Jena Marie le Pen au second tour de l'élection présidentielle (après tout en nombre de voix, il est resté au même niveau qu'aux élections précédentes, soit environ 4 millions d'électeurs) que du désintérêt et du désinvestissement majeurs de la campagne présidentielle de la part des citoyens. mais cette déshérence ne doit pas etre simplement analysée comme un insouciance au vivre-ensemble au profit d'une égotisation de l'individu-citoyen centré sur lui-même et éloignée des sphères de décisions démocratiques comme le pressentait déjà A. de Tocqueville il y a 150 lorsqu'il relevait les effets pervers potentiels de la démocratie tout en la défendant âprement. ce désintérêt des citoyens est aussi (avant tout) à comprendre ex post, comme conséquence d'un contexte historico-politique particulier.

    Essoufflement des élites gérontocratiques, insuffisance de visions claires et antagonistes, effondrement du Mur de Berlin et des antagonismes sociaux/libéraux, cohabitation française qui a jeté l'ambiguité sur les positionnements idéologiques des uns et des autres, suffisance des dirigeants dans leur insistance autiste à se croire au second tour, attention malhonnête des journalistes sur les "brèves" de campagne et les petites phrases au détriment des idées et des discours, sont les éléments contextuels qui ont contribué à faire émerger le spectre tant redouté de la présence de Le Pen au second tour.  

    L'histoire est condamnée à se répéter pour ceux qui ne la connaissent pas dit-on. Peu de chances qu'une telle situation se reproduise aujourd'hui (demain!) tant la diabolisation de 2002 marque cette campagne à coup de "vote utile" et de rejet de l'extrémisme. Mais encore une fois, il est facile de chercher les réponses à ses propres errements dans la cour du voisin. La non-présence de Jospin au second tour de 2002 doit davantage à une campagne molle, pragmatique, froide et aseptisée qu' à la multiplication et l'éparpillement des voix de gauche sur les candidats de l'ultra-gauche. Effets plus que cause de l'échec opinien, le reportdes voix à gauche de la gauche ne doit pas faire culpabiliser les victimes. Pour ne prendre que mon cas personnel, mais je pourrais en rapporter des dizaines d'autres, ce n'est pas par conviction que j'ai voté Mamère au premier tour en 2002, mais par rejet de la vision jospinienne.

    Dire que la multiplication des petits candidats de la gauche antilibérale a conduit à l'éviction de Jospin est un scandale éhontée. Si cela était le cas, ces votes d'ultra-gauches auraient été des votes d'adhésion aux idées portées par ces candidats et à leur vision de la France. Or, ils étaient avant tout (pour la plupart) ds votes de rejet, de mise en garde à l'attention du candidat socialiste. Stratégies citoyennes qui auraient du conduire Jospin a rectifié le tir, tout au moins à écouter cette "vox populi" plutôt que de ne faire que l'entendre.Si Jospin a perdu c'est parce qu'il n'a pas réussir à séduire une partie de l'électorat, tant au niveau des idées que de la personnalité. S'il a échoué, il est en le responsable, lui et ses camarades du Parti Socialiste. Les premières victimes en ont été les citoyens de gauche, n'en faisons pas des coupables. Le citoyen ne vote pas "contre" par plaisir, par goût de la contradiction. Il vote "contre" s'il ne peut pas voter "pour". Aux représentants politiques detrouver des moyens de fare adhérer les citoyens à leurs projets et à leur personnalité!

    C'est ce que cette élection semble faire mieux que jamais. Les trois candidats (quatre) en tête des sondages le savent très bien, qui jouent de leur image avec un plaisir et une maîtrise certains. A n'en pas douter, l'abstention sera "faible" cette fois-ci. je prends le risque de la prédire autour de 18%, soit un taux de participation de l'ordre de plus de 80%, chose rare depuis l'élection du président de la Républiqueau suffrage universel.

    Gageons que les indécis se décident, que les hésitants se rassurent, que les pessimistes s'optimisent, que tous autant que nous sommes projetions nos désirs et nos convictions de manière à faire émerger une véritable révolution silencieuse et démocratique ce 22 avril 2007. Personnellement, je disais, mon vote est arrêté.

    Que tous se dressent sur la ligne de départ, la course va être lancée. A vos bulletins, prêts, votez!


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  • Derrière les hommes, il y a des programmes. Certes, mais dans un monde sursaturé d'images, c'est aussi (surtout ?) l'émotion qui fait l'élection. L'élection au suffrage universel du président de la République française en constitue même la quintessence. De Gaulle l'avait bien compris, lui qui en avait fait son arme privilégiée, Mitterrand sa force, Chirac son caractère. Elu par le peuple et pour le peuple, le Président doit incarner la Nation au sens étymologique du terme. Il doit faire France, devenir France, en être sa « chair ». Sa légitimité et sa domination ne proviennent que de sa capacité à fédérer, à emporter l'adhésion populaire autour de sa personne bien avant son programme. Certes, les idées restent essentielles, mais elles ne suffisent pas. Un électeur ancré traditionnellement à gauche éprouvera quelques difficultés à porter sa voix sur un représentant de droite et inversement. Les traditions et les dogmes sont puissants, mais les frontières sont poreuses. Les socles idéologiques se délitent au profit de querelles partisanes, le socialisme se centralise, tandis que le libéralisme se régule. Elire un programme, c'est élire une vision, un projet, une ligne directrice. Elire un homme – ou une femme, c'est élire un charisme, une incarnation, une émotion de la France. Il y a derrière le personnage une certaine idée de la France, mais c'est l'homme qui prime. Or, si les dogmes sont solides et peu perméables, les sentiments sont fragiles et versatiles. Rien n'indique mieux ce bouleversement électoral que la versatilité de l'affect. Max Weber l'avait bien remarqué il y a un siècle lorsqu'il affirmait qu'un pouvoir disposait de trois façons pour se voir reconnu. Soit par le respect de la tradition qui fait qu'un fils obéira à son père par exemple, soit par la raison et l'universalité de la loi, qui fait qu'un citoyen obéira à la justice car celle-ci est censée s'imposer rationnellement et s'appliquer identiquement à tous, soit par le charisme. C'est de ce dernier point que j'aimerais traiter ici.

    En effet, pour qu'un individu exerce son pouvoir et son autorité sur d'autres individus, c'est avant tout parce que lesdits individus lui octroient une légitimité à se faire obéir. Tant que j'accepte l'autorité d'un homme, celle-ci sera légitime. C'est bien l'homme obéissant qui fait l'homme obéi, et non le contraire (au moins dans les démocraties). Or, pour Weber, l'acceptation de l'autorité d'un homme (ou d'une femme), peut reposer à elle seule sur son charisme, autrement dit sur l'émotion qu'il laisse transparaître auprès du peuple. Affection, amour, haine, défection, engouement, ostracisme, sont les piliers de la domination charismatique : soit on est pour lui, soit on est contre lui. Le pouvoir charismatique n'accepte pas la demi-mesure, il est entier, manichéen et a des tendances autocratiques.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    L'élection présidentielle en France, à ce titre est particulière. Elle requiert une grande dose de charismatique, et une pincée de programmatique. Les candidats le savent et en jouent à profusion. Ils en abusent d'autant plus que le politique est de plus en plus condamné à l'assujettissement à l'économique. Désormais ce n'est plus à l'Etat-nation de faire valoir ses exigences à l'entreprise pour l'implantation sur son sol, c'est à la firme multinationale d'exiger de l'Etat que celui-ci lui fournisse des garanties maximales à son installation sur le territoire. Les dés ont changé de main, les joueurs de stratégies. L'Etat, pour continuer à asseoir son pouvoir, va investir ses fonctions régaliennes : justice, police et défense vont battre le haut du pavé. L'insécurité devient un thème essentiel de campagne, l'immigration et l'autorité la suivent de près, alors que le chômage reste la préoccupation première des français. L'économique en est réduit à sa part congrue et essentiellement providentielle : on espère la croissance comme on attend le Messie. On attend d'elle qu'elle permette la relance de l'activité économique, le retour au plein-emploi, la diminution des inégalités sociales, etc. Appel providentiel, quasi prophétique. Nous sommes passés en l'espace de 50 ans de l'Etat-Providence fondé sur la redistribution et le partage des richesses, la solidarité et l'assurance sociale, au « Providentiel-Etat » condamnés à espérer des lendemains heureux, cherchant dans le patriotisme d'Etat, les renforcements douaniers, le protectionnisme économique et social, l'anathème des délocalisations, la revalorisation de l'identité nationale, les moyens de son retour triomphal. L'hypothèse mercantiliste abandonnée au XVIIIème siècle connaît ainsi un regain d'intérêt. A l'ouverture internationale mondialisée inévitable, l'Etat se veut colbertiste, fort et visible. Pour continuer à rester légitime, il n'a d'autres choix que de s'investir dans ses domaines de compétences monopolistiques ou il est seul maître à bord : la sécurité nationale, le contrôle de ses frontières, le respect de l'autorité. L'illusion de son pouvoir persiste, quand son pouvoir réel se délite. Non pas que l'Etat soit mort ni qu'il disparaisse, mais force est de constater que ses sphères d'actions efficaces sont restreintes.  Ainsi celui amené à représenter l'Etat et à incarner la Nation est une sorte de Don Quichotte va t-en guerre condamné à se battre contre des moulins à vents, à faire du bruit pour être entendu, à défaut d'être écouté.

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    Or, il est des candidats plus à même que d'autres d'incarner ce réactivisme régalien. Si le politique ne peut pas tout, alors le politique n'est pas responsable. Il faut chercher ailleurs les coupables. Argumentaire imparable à la rhétorique grossière mais qui permet d'éluder la question. Dès lors que l'Etat perd la partie, plutôt que de livrer un baroude d'honneur, de faire l'effort de se relever, on modifie les règles du jeu en cours de partie. De peur de perdre la face, on oriente le regard ailleurs. Tour de prestidigitateur expérimenté, mais qui n'illusionne que ceux qui veulent bien se laisser illusionner.

    S'il existe des inégalités sociales et économiques, une recrudescence de la criminalité, un penchant sordide au suicide, ce n'est pas à la société qu'il faut s'en prendre. Celle-ci n'y est pour rien. Le seul coupable dans l'histoire, c'est le biologique ! Le suicide ? Une « fragilité » de naissance ; les orientations sexuelles ? Une innéité préalable ; les conduites déviantes et délinquantes ? Une prédisposition génétique.  Dans ce cas, à quoi bon battre le pavé, entonner des slogans revendicateurs et égalitaristes puisque au bout du compte la société et l'Etat n'y peuvent rien !

    Discours effarant, « glaçant » qui réactive des thèses qu'on pensait dépassées. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ce petit jeu là n'a qu'une finalité. Détourner le regard des responsabilités collectives et étatiques, éluder la question de l'économique sur laquelle le politique s'ébroue en vain, afin de mieux asseoir un discours régalien. On pourrait noircir un peu plus le tableau, en poursuivant le raisonnement à l'extrême. Les assistés sont biologiquement tournés vers l'oisiveté, les pauvres vers l'indigence, et il n'est donc pas nécessaire – il serait même moralement incorrect – de leur venir en aide, sinon pour les condamner un peu plus à l'assistanat, pour les enfermer un peu plus dans leur déterminisme.  L'assistance aux pauvres n'en viendrait plus seulement à créer les pauvres qu'elle assiste, selon le mot célèbre de Malthus, mais elle contribuerait à valoriser leur indigence. Exit les travailleurs sociaux, exit les éducateurs spécialisés, exit les psychologues et autres spécialistes des comportements humains. Tout est génétique. Gloire aux gènes !

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    Pour finir, je voudrais souligner un dernier point. Il est à mes yeux deux choses essentielles qui contribuent à l'élection d'un président : son charisme et sa capacité à incarner son pays par la vision qu'il en a. depuis, l'image s'est glissée au cœur de cette res publica, catalysant et accentuant le côté charismatique. Glossé d'images, auréolé d'affect, fardé de lumière et de certitudes, le leader avance masqué plus que jamais. La sursaturation d'images a détruit le fond. Seule la forme compte, les mots plus que les idées, les sourires plus que les programmes. Le politique s'en sert et en joue à foison. L'image au service du politique : alliance opportuniste et contre-nature où le moyen devient une fin en soi. Idéal de transparence, où tout doit se voir, s'entendre et se savoir. Sacre de l'Image omnipotente et omnisciente, entreprise publique de sécurisation totale au service du pouvoir politique, où le maître à bord est celui qui, d'en haut, contrôle les images, enfermé dans sa tour d'ivoire.

    A ce petit jeu là, un candidat semble se démarquer grandement des autres. Réactivisme sécuritaire, valorisation de sa propre personne, contrôle des faiseurs d'images, déresponsabilisation de l'Etat et libéralisation des échanges. Prestidigitateur éclairé, il rayonne dans la lumière, mais il agit dans l'ombre. En même temps, Bonaparte est considéré en France comme l'un des plus grands personnages de l'Histoire. Agissons en citoyen responsable en allant voter prochainement. Mais qu'on ne vienne pas dire qu'on ne savait pas.

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