• Les nouvelles relations d'emploi

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    Dans cet ouvrage, l'auteur, Eric Maurin[1], s'intéresse à l'étude des transformations sociales qui ont touché la société industrielle depuis ces 3 dernières années sous l'angle exclusif desrapports sociaux de production et des relations professionnelles.

    Il part de deux constats fondamentaux relevés par l'ensemble des travaux sociologiques et économiques sur la question de l'emploi, à savoir :

    -         une fragilisation généralisée des relations d'emplois
    -         une transformation en profondeur des contenus de l'activité professionnelle et notamment une individualisation croissante de celle-ci.
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    Ces modifications structurelles de l'économie et des rapports sociaux de travail ne sont pas sans incidence sur le plan sociologique. L'auteur va justement les relever à partir d'une étude quantitative à l'aide des chiffres de l'Insee et des enquêtes emplois, qui permettent de bien mesurer l'évolution des emplois depuis ces trente dernières années.

    Derrière ces constats qui relèvent de la transformation de la sphère économique, l'auteur revient sur les conséquences sociologiques induites par ces modifications.

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    1. désaffiliation et déstructuration identitaire
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    Tout d'abord, la fragilisation des parcours professionnels va avoir pour effet d'accroître les difficultés à se définir par rapport à une appartenance collective précise de la part du salarié. Si je ne suis plus sûr de conserver mon emploi, si je suis amené à voir ma situation se modifier, je me considère moins facilement comme membre d'une catégorie sociale définie. Cela étant, cette fragilisation des relations d'emplois conduit également à une perte des identités professionnelles, et donc à un manque de repères structurants pour l'individu, et ce d'autant plus que le salarié est dans une relation d'emploi plus individualisée aujourd'hui.

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    Puis, conséquemment à cette fragilisation et la déstructuration en terme d'identité professionnelle qui en résulte, on assiste à un essoufflement de la mobilisation collective. En effet, comme le souligne E. Maurin, « il est plus difficile de se mobiliser et de fédérer des salariés que le travail isole et met personnellement en question que des salariés que le travail rassemble et soude dans un meme effort[2] ». On voit bien là la référence implicite au concept de solidarité organique formulé par Durkheim[3], où le salarié, bien que différencié, reste en relation étroite avec l'ensemble de l'équipe dans une relation d'interdépendance qui fonde l'unité et le sentiment d'appartenance commune.

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    A partir de ces constats objectifs et des conséquences sociologiques sur les individus, l'auteur relève deux autres aspects essentiels de ces modifications, qui sous souvent éludés ou erronés.

    2.  Fragilisation généralisée et permanence des inégalités
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    - Premier aspect : Contrairement à l'idée reçue selon laquelle la fragilisation de l'emploi toucherait exclusivement les classes sociales populaires, l'auteur constate que les chiffres apportent un regard beaucoup plus nuancé. En réalité, la fragilisation touche l'ensemble des catégories professionnelles, indépendamment de sa classe sociale d'appartenance. Il n'y a as de frontières étanches entre des exposés au chômage et des privilégiés. L'analyse duale entre inclus et exclus du système économique n'est donc pas pertinente ; l'auteur adresse ici  une critique à l'approche marxisante du problème.

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    -         second aspect : les inégalités sociales persistent et se maintiennent dans le temps. Les chiffres de la mobilité sociale n'ont pas évolué (ou très peu) depuis le début des années 80. On assiste à une pérennisation des inégalités sociales anciennes, de type structurelles. Cependant nous dit l'auteur, « ces inégalités ne s'ancrent plus dans la division sociale du travail ; elles ont perdu leur capacité à forger des identités de classes. » E. Maurin signifie par là que si la mobilisation de classe s'est essoufflée depuis les années 70, ce n'est pas parce que les inégalités ont disparu objectivement, mais parce que la conscience de classe s'est effritée et l'appartenance de classe n'est plus ressentie sur le plan subjectif.

    Pourquoi s'est-elle effritée ? C'est justement en raison de la transformation des relations d'emplois, qui individualise le travail et qui personnalise les travailleurs, diminuant par là même le regroupement de salariés, le sentiment d'unité salariale.

    Mais c'est aussi parce que de nouvelles formes d'inégalités ont vu le jour, qui ne se sont pas substituées aux anciennes mais qui ont eu pour conséquence de démobiliser l'action collective pour lutter contre les inégalités sociales structurelles (ou de classe). Ces nouvelles formes d'inégalités ont été analysées par Fitoussi et Rosanvallon dans un ouvrage éclairant[4], où ils montrent comment ce qu'ils nomment les inégalités dynamiques[5] se sont ajoutées et superposées aux inégalités anciennes qui étaient plus identitaires et plus structurantes.

    <o:p> </o:p>3. Pour l'égalité des possibles
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    A partir de ces différents constats et de l'analyse sociologique qu'il en retire, l'auteur en vient à formuler une thèse dans laquelle il propose le développement de politiques sociales autour de l'égalité des possibles, et non de l'égalité de fait. Constatant que l'emploi s'est fragilisé, que les salariés doivent faire face à des relations d'emplois plus individualisés, en liens plus directs avec leurs clients, devant répondre à une demande directe (image de l'employé de services) et moins à une production de biens (image de l'ouvrier d'industrie), que les identités professionnelles perdent de leur consistance, qu'il y a un émiettement des catégories sociales et une personnalisation plus grande du travail, Maurin défend l'idée d'une égalité des possibles, aptes à mieux rendre compte de cette individualisation des parcours professionnels et ainsi agir plus efficacement. Là où l'égalité de fait s'occupe de catégories sociales indifférenciées, d'unités collectives, l'égalité des possibles s'occupe des individus particuliers, dans leur trajectoire biographique et leurs parcours personnels.

    Pour autant, il ne s'agit pas de nier la permanence des inégalités de fait (la structure sociale de classes), mais il s'agit de contribuer à leur réduction tout en sachant agir sur le long terme : la seule action redistributive en faveur des classes sociales inférieures ne résout pas pour autant l'autre problème majeur qui est celui de la destinée sociale des enfants. On sait que la mobilité sociale est beaucoup plus faible chez les ouvriers (et les patrons, mais pas dans le même sens !) que dans les autres catégories sociales. Une politique publique qui vise à favoriser l'égalité des possibles (ou des chances) parviendrait alors à mieux contribuer à la mobilité sociale et ouvrir à une destinée sociale plus ambitieuse pour les enfants issus des classes populaires (comme l'école tend à le faire).

     

    Néanmoins, il ne faut pas, au nom de la revendication de cette égalité des chances, laisser de côté les inégalités de fait (ou de conditions). Une vraie politique de l'égalité des possibles doit savoir s'adjoindre d'une redistribution plus harmonieuse des richesses, afin de créer les conditions initiales de son succès. Le risque de s'enfermer dans une approche exclusive en terme d'égalité des chances est de considérer les inégalités de condition comme un fait social inextinguible, sur lequel on ne peut (ou on ne veut) pas agir, en favorisant des actions en aval, sur les individus particuliers eux-mêmes. C'est pourquoi d'ailleurs, idéologiquement, la gauche est plus hostile à la politique de l'égalité des chances tandis que la droite est plus favorable à celle-ci. Il ne s'agit pas simplement de donner plus à ceux qui ont moins (logique de « discrimination positive », qui porte les germes d'une stigmatisation à l'envers) mais d'y joindre une action de redistribution économique en faveur des plus faibles : égalité des possibles et égalité de faits sont liés.

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    [1] E. Maurin, L'égalité des possibles, la nouvelle société française, La république des Idées, Seuil, 2006, 78p.
    [2] E. Maurin, op. cit, p. 9.

    [3] En effet, Durkheim définit le passage des sociétés traditionnelles aux sociétés modernes comme celui d'une forme de solidarité mécanique, où l'individu est assujetti au groupe, « sociétés de semblables », à une forme de solidarité organique, sociétés différenciées où l'individu existe par et pour lui-même mais qui conserve sa cohésion sociale par l'interdépendance maintenue entre les différents postes de la chaîne de production industrielle. Si cette liaison s'affaiblit, le sentiment d'appartenance à quelque chose qui dépasse l'individu (ici l'entreprise) s'effrite et l'individu se retrouve livré à lui-même, ce qui peut conduire à une situation d'anomie. Ce n'est pas un hasard si c'est au cœur de l'entreprise qu'il a formulé sa théorie, in Durkheim, De la division du travail social (1893), PUF, Gallimard, 1998.

    [4] J. Fitoussi et P. Rosanvallon, Le nouvel âge des inégalités, Paris, Seuil,

    [5] Les inégalités dynamiques correspondent aux inégalités qui touchent des individus appartenant aux mêmes catégories socioprofessionnelles mais dont les statuts particuliers diffèrent, ce qui a pour conséquence de déliter le sentiment d'appartenance à tel ou tel groupe social et par suite les identités professionnelles, et rendre plus difficile alors les mobilisations collectives. Pour exemple, être cadre à temps plein et en CDI dans une entreprise diffère du statut de cadre à temps partiel, qui doit compléter son salaire par un autre emploi, ou de celui de cadre au chômage. Ils appartiennent objectivement aux mêmes catégories sociales, mais individuellement, ils ne se sentent pas liés, ne partageant pas les mêmes styles de vie notamment.



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