• le conflit chez Simmel

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    Dans cet essai, Georg Simmel procède à une analyse sociologique et philosophique du conflit. A l'encontre des idées reçues et des formalisations théoriques qui font du conflit une situation d'antagonismes sociaux, conduisant à remettre en cause l'organisation de la vie sociale, il fait du conflit une des formes essentielles de la vie sociale qu'il s'agit d'analyser dans sa positivité sociale, apte à agir comme une force de liaison sociale entre individus et groupes sociaux.

    Pour l'auteur le conflit est socialisateur : il permet de dépasser les antagonismes, de les rationaliser en une relation conflictuelle, où l'unité est recherchée. Derrière la contradiction, la dualité, l'antagonisme des interactants, le conflit permet de dépasser cette contradiction car il se fonde sur une lecture duale du conflit : à la fois force centrifuge, qui tend à séparer, à scinder la relation, mais également force centripète, qui tend à relier, à chercher l'unité de la relation.

    Toutes les formes de conflit portent cette double dimension permanente : unité/dualité

    <o:p> </o:p>Plus qu'un élément d'organisation des sociétés (lutte des classes) et des rapports sociaux interpersonnels (les membres d'un couple par exemple), le conflit est pour Simmel une forme de socialisation, c'est-à-dire un élément inhérent à la société et constitutif de la vie sociale.
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    A l'opposé de l'idée qui veut qu'une société fonctionne correctement en limitant ses sources de conflits, ses luttes permanentes (qui sont pensées comme des formes de déviances, d'anomie et qui portent un risque de désorganisation de la vie sociale), l'auteur montre au contraire que le conflit contribue à unifier la société.

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    Pour cela il se réfère à la dimension ontologique de l'humain, fondamentalement dual, c'est-à-dire à la fois être lié (individu social, besoin de s'affilier à un groupe), à la fois être séparé (distinction sociale, singularité, volonté de se différencier). Animé tout autant par l'amour et la haine, l'homme est viscéralement dualité, comme Freud l'avait tardivement repéré avec son concept de pulsion de vie et de pulsion de mort.

    Sympathie et hostilité se mêlent et se conjuguent sans cesse aussi bien dans la vie des sociétés, des nations, des peuples, des groupes sociaux que dans la vie des individus eux-mêmes, sans que jamais l'une ou l'autre ne triomphe en dominant définitivement l'autre aspect. A ce titre, Simmel s'oppose à toute vision d'une fin heureuse de l'Histoire comme on a pu le penser avec l'avènement des sociétés démocratiques, ainsi qu'à toute approche eschatologique.

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    Ce qui intéresse Simmel dans l'étude qu'il fait du conflit, ce ne sont ni les causes qui font éclater le conflit, ni les conséquences de l'événement qui affectent la société et qui peuvent transformer les rapports sociaux et les rapports de force entre groupes sociaux, mais à la structure même du conflit, à son mode de fonctionnement, à la forme qu'il prend quand il a éclaté.

    Pour lui, ce qui est pertinent c'est d'analyser la forme du conflit, qui a pour fonction de contribuer à assurer la cohésion sociale, la régulation sociale par la résolution des différends qui opposent les interactants dans la recherche de normes, de codes, de règles communes aux deux belligérants (exemple du couple).

    <o:p> </o:p>La notion de forme sociale
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    Georg Simmel est un philosophe avant d'être un sociologue. C'est la raison pour laquelle son œuvre repose essentiellement sur une approche conceptuelle du social et de la vie en société. Il ne faut pas chercher d'exemples empiriques, appliqués aux expériences pratiques du quotidien. Simmel ne fait pas preuve d'empirisme, mais il cherche à relever derrière les situations contextuelles, les époques, les lieux, les trajectoires individuelles, les permanences sociales, les irréductibilités de l'individu social, ce qu'il appelle les « formes » de la vie sociale.

    Les formes sont au départ des produits de la création humaine qui en s'agrégeant tendent à se « cristalliser » autour de configurations redondantes, qui finissent par contraindre l'individu à agir dans le sens de ces configurations : les créations individuelles finissent par gouverner à leurs créateurs.

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    G. Simmel a théorisée une approche du social qui porte le nom de sociologie formelle, en relation avec le concept de « forme », concept central de l'analyse sociologique pour la compréhension du social. Il s'agit d'étudier les différentes formes de la vie sociale qui en s'institutionnalisant dans des rapports sociaux objectifs, permettent de mieux saisir les mutations, attitudes et actions des individus sociaux dans leur globalité.

    En effet, pour lui, « l'histoire humaine est le perpétuel conflit entre la vie, productrice de formes grâce aux individus créateurs, et la culture qui est la non-vie de formes suprapersonnelles, réifiées, figées et pour ainsi dire congelées dans le devenir, le propre de l'homme étant d'informer le devenir grâce à l'histoire ».

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    On voit donc que les formes sociales sont perpétuellement renouvelées afin de lutter contre une réification aliénante de la vie sociale. Mais bien qu'en mouvement permanent, elles permettent de saisir l'essentiel d'une société à un moment donné de son histoire.

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    Ainsi, Simmel fait du conflit une des formes de la vie sociale.  Le conflit est inhérent à l'homme, puisque étant dual par nature, attiré par l'amour et la haine, désirant se lier aux autres et s'en détacher dans le même temps, il porte le conflit au cœur même de sa constitution. Le conflit est consubstantiel à l'esprit humain pour Simmel. Il est donc normal que la société soit en conflit permanent. Mais loin d'y voir quelque chose de négatif, Simmel fait de celui-ci une force positive d'intégration sociale.

    <o:p> </o:p>Types de conflits
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    La société ne subsiste qu'en sollicitant sans cesse des conflits, suivis de répits aux solutions toujours provisoires et précaires. De plus, les solutions aux conflits sont limitées en nombre. Simmel en retient trois qui seront repris par la suite et parfois réinterprétés par leurs auteurs.

    -         La victoire d'un belligérant : dans ce cas, il y a domination momentanée de l'un des interactants sur l'autre (guerre, duel, compétition sportive), et l'unité est rompue.

    -         La résignation des combattants : ici, c'est la lassitude qui finit par avoir raison du conflit et chaque partie se retire sans gain ni pour l'un ni pour l'autre.

    -         Enfin, le compromis qui correspond à une entente précaire entre les interactants, mais qui a l'avantage de ne faire perdre la face à aucun des individus. Le compromis est la situation préférentielle de l'auteur, allant jusqu'à faire de celui-ci « une des plus grandes inventions de l'humanité ». en effet, le compromis permet de maintenir l'unité dans l'antagonisme mais cette unité est momentanée, amenée à être remise à mal. Elle maintient le dynamisme social et entretient l'intégration et la cohésion sociale des différentes parties de la société.

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     Le conflit à ce titre est bien un élément de socialisation de la vie sociale. D'ailleurs, dès le début de son essai, Simmel souligne le caractère profondément positif du conflit : « une fois que le conflit a éclaté (...), il est en fait un mouvement de protection contre le dualisme qui sépare, et une voie qui mènera à ne sorte d'unité, quelle qu'elle soit[1] ». Puis rajoute t-il, « en lui-même, le conflit est déjà la résolution de tensions entre les contraires.[2] »[3]

    On est ici au cœur de la thèse défendue par Simmel selon laquelle le conflit participe à la fois de l'unité et de l'antagonisme et qu'à ce titre, il se situe à la croisée des chemins entre les deux grands axiomes de la sociologie que sont l'unité de l'individu (singularité) et l'unité de l'ensemble des individus (la société). Le conflit signifie la négation de cette unité globale entre l'individuel et le collectif.

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    En effet, la singularité de l'individu n'existe pas si celui-ci st parfaitement conforme aux règles et aux codes de la vie sociale : il y a un risque d'indifférenciation des individus. Le « Je », entendu comme expression de sa propre personnalité, se construit nécessairement dans la confrontation aux règles sociales et au groupe. L'unité de l'individu se fait par la contradiction, l'antagonisme au groupe également[4].

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    De l'autre côté nous dit Simmel, « un groupe qui serait tout simplement centripète et harmonieux, une pure et simple « réunion », n'a non seulement pas d'existence empirique, mais encore il ne présenterait pas de véritable processus de vie ; elle serait figée, statique, incapable de toute modification.[5] »

    Ainsi à l'inverse un groupe harmonieux signifierait immédiatement la mort du groupe, dans une espèce de permanence imperturbable, hors de toute vie perpétuellement mouvante. La société, les groupes sociaux ne se constituent en unité sociale qu'au travers d'antagonismes inhérents. Un groupe où l'unité globale affichée n'est que le simple reflet de l'unité interindividuelle qui le compose est une chimère.

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    Force attractive et répulsive sont donc indispensables et doivent être considérées comme toutes les deux positives dans le cadre d'une analyse sociologique du conflit. Ce qui résulte d'un conflit n'est pas le simple résultat de la soustraction entre force attractive/force répulsive, positivité/négativité du conflit comme le laisse penser la théorie ordinaire. Mais au contraire, c'est davantage l'addition des deux qui permet de saisir le conflit et ce qui en résulte.

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    L'ensemble de l'étude de Simmel repose sur des approches conceptuelles de différents types de conflits sociaux, où l'unité est opérante, au travers de la remise en question de celle-ci ou dans la recherche objective de sa réussite. Soit le conflit se déclenche parce que l'unité préalable éclate (couple), soit pour réhabiliter cette unité préalablement défaite (lutte sociale). Cette théorie du conflit ne vaut pas seulement pour la sociologie, mais peut s'appliquer tout autant à toute étude psychologique de l'esprit humain, à la concurrence économique (d'ailleurs Simmel s'appuie beaucoup sur cet exemple dans son analyse). Bref, plus qu'un apport sociologique majeur, cet essai constitue une réflexion stimulante sur le fondement et le fonctionnement de toute ontologie humaine.



    [1] G. Simmel, Le conflit,Circé, Paris, p. 19.

    [2] Ibid, p. 20.

    [3] D'où l'importance pour la violence de s'institutionnaliser en conflits avec revendication, enjeux sociaux, économiques, politiques, etc. afin d'être entendue et considérée. L'exemple des violences urbaines de 2005 est un beau contre-exemple, qui montre bien combien la violence non rationalisée ne bénéficie d'aucune « oreille attentive ».

    [4] Cf. théorie de la socialisation développée par l'interactionnisme symbolique en la personne de G. H. Mead entendue comme « processus de construction du Soi », où l'individu apprend à se construire et se socialiser dans le respect d'une part aux règles du groupe social afin d'être intégré, dans la confrontation à ces mêmes règles et au groupe afin de mesurer sa propre singularité et construire son individualité.

    Remarquons par ailleurs que la période de l'adolescence s'accorde très bien à cette conception de l'individu social.

    [5] Ibid, p. 21.



  • Commentaires

    1
    Dimanche 16 Décembre 2007 à 19:23
    Hello mec
    Rien à dire : c'est toujours intéressant.
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