• La socialisation des sexes en modèle patriarcal (3)

    Dernier billet aujourd'hui sur la socialisation différentielle des sexes en modèle patriarcal avec l'origine socio-culturelle de la différence, notamment étudiée par Bourdieu, et dont j'avais précédemment déjà publié un long billet. Le voici dans sa forme raccourcie ici, billet qui vient clore l'analyse en trois parties (aspect psycho, anthropo et socio-culturel) de la reproduction du clivage sexuel dans les sociétés à dominantes patriarcales.

    Bonne lecture à tous.

     

      1. L'origine socioculturelle de la reproduction du clivage1



    Pierre Bourdieu cherche à découvrir les traces sociologiquement enfouies de la domination masculine liée à une vision androcentrique du monde. Il procède à une déconstruction de l' « archéologie historique de l'inconscient » au travers de l'étude de la société paysanne kabyle afin de mettre à jour et de mieux relever ces présupposés naturalisés, mais en réalité historiquement construits, que l'on retrouve dans nos sociétés modernes sous des formes variées.

    L'auteur va particulièrement s'intéresser à un aspect essentiel de la différenciation homme/femme, à savoir l'analyse des corps. A partir de la différence physique des corps, naturelle et biologique, il va étudier les rapports au corps entretenus par les sexes et plus particulièrement le travail social de transformation des corps qui opère différemment. On a tendance à naturaliser les différences dans le rapport au corps entre hommes et femmes en les liant aux différences biologiques H/F sur lesquelles une lecture socio-biologisante vient légitimer ces approches différenciées du corps et de la manière de les éduquer.

    Le travail de l'auteur consiste à historiciser la déshistoricisation de la domination masculine, c'est-à-dire la naturalisation de celle-ci, en rendant au social ce qui appartient au social, au-delà de tout essentialisme de la différenciation inégalitaire.


    Pour lui ce travail de transformation des corps, cette différenciation dans la manière de mouvoir, d'agir, de penser et de considérer son corps entre hommes et femmes, bref le rapport sexué au corps dépend de plusieurs variables qui se superposent et se conjuguent :

    • le mimétisme individuel qui agit dans le sens d'une reproduction des corps sexués, sous la forme d'actions individuelles.

    • les structures sociales objectives qui instituent une manière de se « tenir » sexuellement différenciée, qui agissent sous forme de contraintes inconscientes.

    • la construction symbolique de la vision des corps biologiques (force/finesse ; etc.)

    Schéma de différenciation du rapport au corps selon le sexe :


    1. processus mimétique symbolique (action individuelle et processus psychologique de mimétisme à l'homme/à la femme) + 2. injonction explicite (structures sociales) + 3. construction sociale des corps = production d'habitus différenciés et différenciant (entre hommes et femmes) = travail de transformation des corps dit « dressage des corps » selon des modèles différenciés :

    • féminisation des corps féminins : image du corps de la femme, comme « corps comme être-perçu », c'est-à-dire corps orienté vers, pour et selon la satisfaction de l'homme.

    • masculinisation des corps masculins : image du corps de l'homme associé au « corps noble »

     Pour comprendre ces permanences dans la différenciation sexuelle des hommes et des femmes, il faut faire l'histoire des agents et des institutions sociales qui ont concouru à entretenir la vision androcentrique. Ces institutions sociales reproductrices sont notamment :

    • la Famille dans sa fonction de division sexuelle précoce du travail et des rôles. Elle constitue le ferment principal de la reproduction de la domination (pater familias) ;

    • l'Eglise qui a toujours été traversée par un antiféminisme. La symbolique sacrée a une action sur la construction de l'inconscient historique qui a éterniser et légitimer la domination ;

    • l'Ecole qui connote sexuellement les différentes filières selon les profils masculins ou féminins, assise sur une tradition aristotélicienne de l'homme actif et de la femme comme principe passif ;

    • l'Etat enfin, qui fait passer d'un patriarcat privé à une forme de « patriarcat public » (loi, droit), et qui dans son fonctionnement même repose sur une vision androcentrique (différenciation sexuelle des ministères, etc.)2.

    1 ► Cf. fiche lecture de P. Bourdieu


    2 En outre, les Etats totalitaires et autoritaires reposaient explicitement sur une vision androcentrique de la domination masculine (exaltation de la force physique, de la virilité, du paterfamilias, de la vie publique comme sphère des hommes et la domesticité féminine, etc.)


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 18 Mai 2008 à 15:54
    Elle n'est pas belle la vie ?
    Enfin, pour un mec...
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