• la révolution copernicienne et l'émancipation de l'économie : les bases du mercantilisme

    Après la page scolastique, qui s'étend sur près de quatre siècles, non sans heurts et scissions, l'Eglise va progressivement perdre de sa superbe. Les crises du XIV et du XV (famines, guerres, maladies, récession économique), vont affaiblir une grande partie de l'Europe. Mais parallèlement, les caisses des Princes grossissent. Après la modération consacrée par l'Eglise dans les affaires d'argent, les conquêtes et la route de l'Orient (ouverte par les Croisades) vont profiter à l'enrichissement des royaumes. Les Princes deviennent puissants, ils se renforcent et s'émancipent du diktat de l'Eglise catholique. Progressivement, entre le XV et le XVIII, le pouvoir du Prince va se substituer au pouvoir de l'Eglise et au système féodal. C'est aussi la période qui va voir émerger l'idée de Nation. 

    Sur le plan intellectuel, l'émancipation de la foi se fait difficilement. L'Eglise continue d'imposer la pensée des anciens grecs, tandis que de nouvelles découvertes mettent à mal les textes des anciens, et en cela la parole de l'Eglise. Mais comme souvent dans l'Histoire, l'autoritarisme est aussi une marque de faiblesse qui tente de sauver ce qui est déjà en perdition. L'Inquisition, le bûcher, la « chasse aux sorcières » masquent en réalité la lente déréliction de la domination de l'Eglise.

    Tous les géants sur laquelle la pensée médiévale (scolastique) et le dogme catholique reposaient chutent de leur piédestal. C'est une véritable révolution presque ontologique qui se produit au XV en Europe, en tout cas un véritable bouleversement de la représentation du monde et de la place des hommes dans ce monde avec le passage du géocentrisme à l'héliocentrisme entre autres. Bien évidemment, l'Eglise refusera toutes ces nouvelles idées, avec force et autorité, usant des méthodes précédemment exposées.

    Mais les observations de la nature et les analyses empiriques se développent (Kepler, Neper, Brahé, Galilée, de Vinci, etc.) contribuant à renouveler la connaissance du monde. Ainsi, les principes aristotéliciens vont être remis en cause (Rabelais, Montaigne) ; la médecine de Galien se verra discréditée avec l'observation méticuleuse des corps. Notamment, le savant W. harvey (1578-1657) qui met à jour le principe de la germination du vivant et celui de la circulation sanguine, faisant du coeur une pompe à sang et pas uniquement le lieu de l'âme comme Galien l'affirmait. Cette découverte du principe dynamique de la circulation sanguine connaîtra un riche succès quelques années plus tard en économie avec le Tableau économique de Quesnay (mais nous verrons cela plus loin). De la même manière l'Almageste de Ptolémée est remis en cause par l'observation précise du Ciel par N. Copernic (1473-1543).

    Le monde devient accessible à la connaissance rationnelle et une conception horlogère du monde se met en place petit à petit avec les travaux des astronomes.

     

    Quant à l'économie de son côté, forte de ces avancées de la Raison et de la sécularisation du savoir, elle va progressivement se constituer comme une discipline autonome, laïcisée, débarrassée de toute prescription théologique. Ce sera les grands débuts de ce qu'on nommera par la suite le mercantilisme, même si l'ensemble des principes économiques à cette époque ne peuvent pas être véritablement encore rassemblés autour d'une Ecole de pensée.

    La pensée des mercantilistes repose sur quelques grands principes. La richesse d'un royaume dépend de la puissance de son Prince, lui-même tributaire de sa capacité à lever, armer et rétribuer ses armées. La richesse se mesure alors par l'accumulation de matières précieuses. Moyen de la puissance du Royaume, l'or et les métaux précieux sont alors recherchés.

    Concrètement, le mercantilisme repose donc sur une analyse où se rejoignent plusieurs idées :

    • le chrysohédonisme (ou le bonheur dans l'accumulation de l'or) qui place la recherche et l'accumulation de la monnaie comme source de puissance de l'Etat, et donc constitue à ce titre la richesse de ce dernier ;

    • le nationalisme, reposant sur l'idée exprimée par Montaigne que « nul ne gagne qu'un autre ne perde » (ou ce qu'on appelle aujourd'hui de manière moins poétique un jeu à somme nulle). Ce qu'une Nation gagne, elle le fait au détriment de ses voisines. En l'occurrence, cette idée était tout à fait valable lorsque la richesse était calculée à partir d'une quantité finie de stock d'or. La possession d'une Nation en privait mécaniquement l'autre.

      Pour parvenir à augmenter son stock d'or, il convient alors de développer son industrie locale afin d'exporter ses marchandises (entrée de devises) et réduire au maximum les importations (sortie de devises). On dirait aujourd'hui entretenir un solde positif de la balance commercial (ce qui est loin d'être le cas pour la France aujourd'hui!)

    • ainsi, la pensée mercantiliste est une forme de pensée protectionniste avant l'heure (et qui sera fortement critiquée par les classiques, favorables au contraire au libre-échange, considérant alors que « tous ont à y gagner », que c'est un jeu à somme positive)

    • en outre, le mercantilisme est aussi étatique ; il prône la mise en place de subventions aux exportations, le développement de grandes manufactures d'Etat (le colbertisme en France), une politique populationniste, accroissant la quantité de main d'œuvre disponible. À l'inverse, l'Etat devra taxer les importations, sauf en matières premières, nécessaires à l'industrie et l'artisanat.

     

    Néanmoins, derrière ces grandes lignes de pensée, le mercantilisme ne constitue pas une école en soi et nous verrons dans notre prochain billet les différentes approches mercantilistes que l'Europe a connu, entre l'Espagne, la France et l'Angleterre.


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 20 Juillet 2011 à 19:27
    Encore !
    Quel foisonnement d'articles !!! Vivement la suite.
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