• Introduction à l'Histoire de l'Analyse Economique

    Je débute aujourd'hui une série de billets qui s'étendra sur plusieurs semaines ayant trait à l'histoire de la pensée et de l'analyse économique. Il convient immédiatement d'en préciser l'emprunt fondamental fait à l'ouvrage monumental de Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950), économiste allemand hétérodoxe du début du XX, intitulé Histoire de l'analyse économique paru pour la première fois en 1954.

    D'ailleurs, précisons d'emblée la visée du projet telle que formulée par Schumpeter :

     

          « Par l'histoire de l'analyse économique, j'entends l'histoire des recherches intellectuelles que l'homme a menées en vue de comprendre les phénomènes économiques1 »

     

    Pourquoi ce projet, et pourquoi inscrire l'économie dans l'histoire ? Tout simplement parce que selon Schumpeter, il n'y a pas de bons économistes sans une bonne connaissance de l'histoire économique et de la pensée qui l'accompagne. Autrement dit, l'économiste est toujours ancrée dans une époque, un espace-temps historiquement daté, qui peut l'influencer dans sa manière de penser, de concevoir, et d'analyser les phénomènes économiques. Ainsi, la validité d'un modèle ne vaut pas universellement, mais s'inscrit dans une temporalité et une spatialité particulière.

    A ce titre, Schumpeter fait de l'analyse économique (AE) l'addition d'une histoire économique (c'est-à-dire une histoire de la pensée économique), d'une statistique, d'une théorie économique (modèles théoriques d'analyse des comportements humains et de leurs effets économiques) et d'une sociologie économique (entendue comme l'étude des raisons qui poussent les individus à adopter tel ou tel comportement). Mais le plus simple est encore de reprendre sa définition :

     

       « L'AE traite des questions relatives au comportement des individus en tout instant et à la nature des effets économiques qu'ils engendrent par ce comportement ; la sociologie économique s'occupe de savoir comment ils en viennent à adopter ce comportement.2 »

     

    Par comportement, il faut entendre le terme au sens large. Les actions, les motivations et les penchants ainsi que les institutions sociales (normes, lois, propriété privée, contrat, etc.) sont des formes de comportement humain qui agissent directement sur les comportements économiques.

    Avant de procéder à une synthèse de cette histoire de l'Analyse Economique, il convient de voir que loin du formalisme le plus épuré, la science économique chez Schumpeter s'ancre dans l'analyse institutionnelle, sociale et historique. Il n'y a pas de bonne science économique hors du relevé empirique des faits. La science économique comme science des comportements humains et de leurs effets économiques n'est qu'une branche particulière des sciences de l'homme. Elle n'est rien de plus (une science naturelle) mais rien de moins non plus (un simple discours idéologique).

    L'histoire de l'analyse économique se décompose en plusieurs périodes ; ces découpages sont eux-mêmes des constructions théoriques a posteriori, qui n'ont lieu d'être que pour faciliter la compréhension des grandes évolutions de la pensée économique et des moyens de comprendre les phénomènes économiques en questions. Néanmoins, il est couramment admis que trois grandes périodes se détachent :

     

    • une première période qui s'étend de l'Antiquité jusqu'à la seconde moitié du XVIII siècle, c'est-à-dire l'apparition de ceux qu'on appellera par la suite les classiques, courant initié par Adam Smith en 1776. C'est la période la plus longue mais aussi la moins riche sur le plan analytique, le Moyen Age se contentant de reprendre les idées déjà formulées par Aristote et Platon. 

    • Une deuxième période correspondant justement à la période classique, s'étendant sur un siècle, de La richesse des nations (1776) de Smith jusqu'à la fin du XIX avec la Théorie de l'économie politique de Stanley Jevons (1871) pour ne prendre que ce seul exemple. Cette période est sans doute la plus riche sur le plan de l'analyse, car elle va contribuer à faire de l'économie une science à part entière, un domaine réservé aux seuls économistes.

    • Enfin, la dernière période qui débute à la fin du XIX et continue jusqu'à aujourd'hui, a vu l'approche scientifique se perfectionner, la science économique se formaliser, et l'analyse économique gagner en méthode et en expérimentation concrète. Dans cette dernière période, deux grandes grilles de lecture se sont dégagées : une grille néo-classique ou marginaliste d'un côté, héritière des classiques ; une grille keynésienne de l'autre.

    Nous nous proposons de débuter par le commencement en présentant dans un prochain billet l'analyse économique sous l'Antiquité.

     

    1Histoire de l'Analyse Economique, I, L'âge des fondateurs, Gallimard, paris, 2004, p. 25.

    2Ibid, p. 48.


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 14 Juillet 2011 à 18:50
    Bravo
    Je n'ai que deux mots à écrire : Bravo Maître ! PS : Presque 9 mois sans billet... Que ce fut long !
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