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    Voici un mois que le conflit social gronde en Guadeloupe. Un mois de revendications, un mois de manifestations, un mois de grève généralisée pour certains. Un mois, quoiqu'on en dise, c'est long! Et cela fait un mois que l'Etat se mure dans son silence obscène.


    Or, rappelons le : le rôle de l'Etat, c'est d'assurer, d'une part, ses fonctions régaliennes, de contrôle, de respect de l'ordre et de sécurité sur son territoire. Mais dans une société démocratique, le rôle de l'Etat de droit s'étend à d'autres prérogatives tout aussi essentielles. Il a pour devoir de favoriser la paix sociale, de réguler la conflictualité sociale

    Précisons bien : la conflictualité sociale est au coeur même de la démocratie ; elle s'appuie sur le pluralisme et la liberté d'expression. Elle est significative de la dynamique sociale. Il ne s'agit pas de l'éliminer, encore moins de la nier. Le rôle de l'Etat se situe justement dans la prise en compte permanente de ces multiples zones de conflictualité sociale qui prennent racine dans notre société. Son but n'est pas de les faire taire, mais de les écouter, pour mieux les prendre en compte et ainsi les contenir dans le cadre du registre du politique.

    Or, dans le cas de la Guadeloupe, que s'est-il passé précisément ? Tout le contraire de ce qu'on est en droit d'attendre légitimement d'un Etat de droit : la discussion et la négociation. A cela, l'Etat a préféré le silence. Mais se taire dans cette situation, c'est prendre le risque de voir un conflit social basculer en violence sociale. Passer du son des revendications au bruit de la fureur.

    Par son silence délibéré, l'Etat français a laissé le conflit se pourrir.


    Il y a deux terreaux sur lequel tous les extrémismes fleurissent : la frustration de la rue, le silence des autorités. Choisir délibérément – au nom de quoi? l'éloignement géographique? - de ne pas agir, c'est opter volontairement pour le pourrissement du conflit, c'est se rendre responsable du basculement dans la violence. L'Etat français, en cela, a commis une faute, oserai-je dire un crime! En tant qu'Etat de droit, il aurait du agir dans le sens d'une régulation du conflit : c'est sa mission première. En décidant de se taire, il s'est donc rendu responsable des actes de violence perpétrés ces nuits dernières. Il s'est rendu complice de l'extrémisme, en agissant, avec ses propres armes, de la même façon. La plus grande des violences n'est pas toujours celle qui se voit. Le silence des autorités est sans doute l'une des plus odieuses formes de violence institutionnelle. Si elle ne crépite pas sous les flashs et les caméra du 20h, elle peut tuer tout autant. Au silence répond toujours la frustration, et sur la frustration d'un peuple monte toujours quelque chose d'incontrôlable.


    L'Etat a donc toute sa part de responsabilités dans les émeutes qui ont traversé les Antilles ces derniers jours ; par son silence, il s'est rendu coupable de la mort par balle de Jacques Bino, syndicaliste membre du LKP (Collectif contre l'exploitation). S'il n'a pas directement appuyé sur la gachette, il a volontairement déposé l'arme dans les mains de l'extrémisme. C'est le silence qui a tué Jacques Bino, le silence d'un Etat qui croit sans doute encore – à tort – que la Guadeloupe, c'est loin, c'est petit, c'est secondaire. C'est aussi oublier que mai 1967 a précédé d'un an une célèbre révolution...


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